Publié le 6 février 2020

Benyamin Netanyahu et Donald Trump en mai 2017. – © US Embassy in Israël – via Wikimedia Commons

Rien de plus efficace, pour manipuler l’opinion publique, que le choix du vocabulaire. MM. Trump et Netanyahu ont présenté un «plan de paix» pour régler le conflit israélo-palestinien. Alors qu’il s’agit d’un plan unilatéral d’annexion de 30% de la Cisjordanie, prévoyant un Etat palestinien croupion, sans armée, sans contrôle de sa frontière, morcelé entre les colonies juives, entre les murs et les routes barricadées. De fait sous tutelle israélienne. Une sorte de «bantoustan» comme on disait au temps de l’apartheid sud-africain. Il y a bien d’autres situations, aujourd’hui, où les mots mentent, orientent abusivement.

A propos de la Syrie par exemple, où les médias désignent systématiquement l’armée de cet Etat par le terme «le régime», où le discours occidental pare du beau nom de rebelles des djihadistes rêvant d’en finir avec la laïcité et la tolérance religieuse. En France où beaucoup s’obstinent à voir en Macron un «néolibéral» alors qu’il met la main à tout, dans un pays où la moitié de la richesse nationale est moulinée par l’Etat. 
Mais revenons à cette initiative israélo-américaine prétendument pacifique. Voici ce qu’en dit Michael Sfard, avocat israélien et défenseur des droits de l’homme: «Ce n’est pas un plan de paix, mais un plan d’annexion, qui pourrait conduire à la guerre. S’il était mis en œuvre dans sa totalité, il créerait un apartheid. Je n’utilise pas le mot par provocation. On aurait une domination perpétuée d’Israël sur les Palestiniens, qui disposeraient éventuellement d’une ­entité sans le pouvoir d’entrer dans des alliances, de signer certains traités, de contrôler les entrées et les sorties des personnes et des biens. Une entité entièrement entourée par Israël, plus de façon temporaire comme sous le régime d’occupation, mais de façon permanente. Avec deux groupes: le premier disposant de droits civiques pleins, et l’autre non.» On ne saurait mieux dire. 
Les Etats arabes ont formellement condamné ce plan mais la plupart d’entre eux préfèrent fermer les yeux et s’entendre avec Israël dans l’opposition à l’Iran. Trump quant à lui cherche la sympathie – qu’il obtient – des évangélistes américains, soutiens inconditionnels d’Israël. Netanyahu, lui, veut s’assurer sa réélection en s’appuyant sur son extrême-droite nationaliste. Les Russes? Ils donnent aussi la priorité à l’entente avec Jérusalem. Les Chinois? Ils se moquent des Palestiniens pauvres et impuissants. Les Européens? Il disent du bout des lèvres leur réticence, paralysés par la mauvaise conscience de l’Holocauste, rappelée à point nommé avec l’anniversaire de la libération d’Auschwitz. Quant à l’autorité fantoche de Ramallah, elle menace d’interrompre toute coopération, notamment dans le domaine sécuritaire, avec Israël. Sans y croire vraiment. Tout continuera donc comme avant. Avec au bout du désespoir, le risque de flambées de violences et la menace du terrorisme.
Chez lui, Netanyahu parle carrément de son souhait d’annexion pleine et entière d’une partie de la Cisjordanie. Comme il l’a fait, avec l’approbation de Trump, du plateau du Golan ex-syrien. Mais à l’étranger, il évite le terme. Et pour cause: il s’agit d’une violation grossière du droit international. Il est assez piquant de voir que la «communauté internationale» reste impassible dans ce cas alors qu’elle impose depuis des années des sanctions à la Russie pour l’annexion de la Crimée. Celle-ci, justifiée historiquement, s’était faite avec l’approbation de la population. C’était illégal, mais compréhensible. Au Moyen-Orient, la situation est toute autre. Infiniment plus lourde de risques. 

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