Publié le 13 janvier 2020

© Pascal Parrone / BPLT 2020

Jusqu'ici, «état d'urgence» rimait avec «régime autoritaire». Les activistes du climat veulent croire qu'il rime avec «démocratie». J'ai peut-être mauvais esprit, mais j'appelle ça un conte de fées.

Ils avancent à visage découvert, ne se soustraient pas à la justice: à leur manière, les activistes du climat respectent des institutions. Ils ont la com’ inventive: spontanément, je sympathise. Et j’entends le message: la planète va mal, il faut faire vite, c’est l’état d’urgence.

Mais j’ai aussi une question bête: comment on fait pour faire vite? Le grand-oncle André, qui a connu le Général Guisan, expliquerait que l’état d’urgence, c’est l’état d’urgence: on cesse de perdre du temps à discuter – entendez: on met la démocratie sur pause – , on nomme un chef éclairé, viril et responsable et on lui donne les pleins pouvoirs jusqu’à résolution du problème. Rompez.

Le grand-oncle André n’est pas seul à penser «guerre» quand on parle d’état d’urgence. Extinction Rebellion aussi. Sur la page web du mouvement pro-climat, je lis que les objectifs visés exigent une mobilisation «d’une ampleur et d’une visée comparables à celles déployées en temps de guerre.» Pas étonnant: si on veut la neutralité carbone d’ici à 2025 – ou même 2030 comme le mouvement Grève du climat – je vois mal comment y parvenir sans un régime très très spécial capable d’imposer des mesures très très contraignantes qui vont impacter le salaire et la qualité de vie d’un très très grand nombre de gens.  

Ce sera peut-être la seule solution. Notez, on ne sera pas obligés de s’infliger un viril superchef à képi. Allez, va pour une femme! Une bonne reine verte, toute en puissante bienveillance. Mais sur le fond, la question reste entière et on n’y coupe pas: le jour où il faut choisir entre urgence et démocratie, on fait quoi?

Les militants cliamtiques doivent la trouver vraiment très bête, ma question, car ils n’essaient même pas d’y répondre. Si j’ai bien compris, ils misent sur des «assemblées citoyennes» pour gérer l’urgence. L’idée, c’est qu’une assemblée de parlementaires ne peut pas prendre les bonnes décisions vu qu’elle est composée majoritairement d’hommes grisonnants et pourris par les lobbies. Tandis qu’une assemblée de citoyens tirés au sort, véritablement représentative, va naturellement placer le bien commun au-dessus des intérêts individuels et tomber harmonieusement d’accord sur qui doit sacrifier son emploi ou payer plus de taxes.

J’ai peut-être mauvais esprit, mais j’appelle ça un conte de fées. Tant qu’à faire, la bonne reine verte me paraît plus réaliste. Mais j’y pense: dans le respect des institutions, qui va la choisir?


Les autres chroniques Tout va bien d’Anna Lietti:

Pygmalion, A la spectatrice inconnue, Sado, maso, banalo, …


Cette chronique d’Anna Lietti paraît tous les mois dans 24heures. Excepté le dessin de Pascal Parrone, en exclusivité pour Bon pour la tête.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Histoire

80 ans de l’ONU: le multilatéralisme à l’épreuve de l’ère algorithmique

L’Organisation des Nations unies affronte un double défi: restaurer la confiance entre Etats et encadrer une intelligence artificielle qui recompose les rapports de pouvoir. Une équation inédite dans l’histoire du multilatéralisme. La gouvernance technologique est aujourd’hui un champ de coopération — ou de fracture — décisif pour l’avenir de l’ordre (...)

Igor Balanovski
Sciences & TechnologiesAccès libre

Les réseaux technologiques autoritaires

Une équipe de chercheurs met en lumière l’émergence d’un réseau technologique autoritaire dominé par des entreprises américaines comme Palantir. À travers une carte interactive, ils dévoilent les liens économiques et politiques qui menacent la souveraineté numérique de l’Europe.

Markus Reuter
Politique

Un nouveau mur divise l’Allemagne, celui de la discorde

Quand ce pays, le plus peuplé d’Europe, est en crise (trois ans de récession), cela concerne tout son voisinage. Lorsque ses dirigeants envisagent d’entrer en guerre, il y a de quoi s’inquiéter. Et voilà qu’en plus, le président allemand parle de la démocratie de telle façon qu’il déchaîne un fiévreux (...)

Jacques Pilet
Sciences & Technologies

Réchauffement climatique: Bill, Greta et moi n’avons plus aussi peur

Alors que Bill Gates vient de publier un article rassurant sur le climat, Greta Thunberg se consacre désormais à la défense de Gaza. Même la science revoit à la baisse certains scénarios catastrophe et invite à plus de nuance. Analyse d’un repenti de l’alarmisme.

Pierre Gallaz
Politique

Et si l’on renversait la carte du monde!

Nos cartes traditionnelles, avec le nord en haut et le sud en bas, offrent un point de vue arbitraire et distordu qui a façonné notre vision du monde: l’Afrique, par exemple, est en réalité bien plus grande qu’on ne le perçoit. Repenser la carte du globe, c’est interroger notre perception (...)

Guy Mettan
Politique

En Afrique, à quoi servent (encore) les élections?

Des scrutins sans surprise, des Constitutions taillées sur mesure, des opposants muselés: la démocratie africaine tourne à la farce, soutenue ou tolérée par des alliés occidentaux soucieux de préserver leurs intérêts. Au grand dam des populations, notamment des jeunes.

Catherine Morand
Economie

Où mène la concentration folle de la richesse?

On peut être atterré ou amusé par les débats enflammés du Parlement français autour du budget. Il tarde à empoigner le chapitre des économies si nécessaires mais multiplie les taxes de toutes sortes. Faire payer les riches! Le choc des idéologies. Et si l’on considérait froidement, avec recul, les effets (...)

Jacques Pilet
Sciences & Technologies

La neutralité suisse à l’épreuve du numérique

Face à la domination technologique des grandes puissances et à la militarisation de l’intelligence artificielle, la neutralité des Etats ne repose plus sur la simple abstention militaire : dépendants numériquement, ils perdent de fait leur souveraineté. Pour la Suisse, rester neutre impliquerait dès lors une véritable indépendance numérique.

Hicheme Lehmici
Politique

Les poisons qui minent la démocratie

L’actuel chaos politique français donne un triste aperçu des maux qui menacent la démocratie: querelles partisanes, déconnexion avec les citoyens, manque de réflexion et de courage, stratégies de diversion, tensions… Il est prévisible que le trouble débouchera, tôt ou tard, sous une forme ou une autre, vers des pouvoirs autoritaires.

Jacques Pilet
Sciences & Technologies

Identité numérique: souveraineté promise, réalité compromise?

Le 28 septembre 2025, la Suisse a donné – de justesse – son feu vert à la nouvelle identité numérique étatique baptisée «swiyu». Présentée par le Conseil fédéral comme garantissant la souveraineté des données, cette e-ID suscite pourtant de vives inquiétudes et laisse planner la crainte de copinages et pots (...)

Lena Rey
Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch
Philosophie

Une société de privilèges n’est pas une société démocratique

Si nous bénéficions toutes et tous de privilèges, ceux-ci sont souvent masqués, voir niés. Dans son livre «Privilèges – Ce qu’il nous reste à abolir», la philosophe française Alice de Rochechouart démontre les mécanismes qui font que nos institutions ne sont pas neutres et que nos sociétés sont inégalitaires. Elle (...)

Patrick Morier-Genoud
Culture

Sorj Chalandon compatit avec les sinistrés du cœur

Après «L’enragé» et son mémorable aperçu de l’enfance vilipendée et punie, l’écrivain, ex grand reporter de Libé et forte plume du «Canard enchaîné», déploie une nouvelle chronique, à résonances personnelles, dont le protagoniste, après la rude école de la rue, partage les luttes des militants de la gauche extrême. Scénar (...)

Jean-Louis Kuffer
Politique

Démocratie en panne, colère en marche

En France, ce n’est pas tant le tourniquet des premiers ministres et la détestation de Macron qui inquiètent, c’est le fossé qui se creuse entre la société et le cirque politicien, avec son jeu d’ambitions qui paralyse le pays. Le tableau n’est guère plus réjouissant en Allemagne, en Grande-Bretagne, en (...)

Jacques Pilet
Politique

USA out, Europe down, Sud global in

Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai et les célébrations qui se sont tenus en Chine cette semaine témoignent d’un nouveau monde. L’Europe n’en fait pas partie. A force de pusillanimité, d’incompétence géopolitique et à trop jouer la carte américaine, elle a fini par tout perdre. Pourtant, elle persévère (...)

Guy Mettan
PolitiqueAccès libre

La politique étrangère hongroise à la croisée des chemins

Pour la première fois en 15 ans, Viktor Orban est confronté à la possibilité de perdre le pouvoir, le parti d’opposition de Peter Magyar étant en tête dans les sondages. Le résultat pourrait remodeler la politique étrangère de la Hongrie, avec des implications directes pour l’Union européenne.

Bon pour la tête