Faiseurs de Suisses soumis

Publié le 12 février 2018
Non, le sérieux n'est pas toujours là où l'on croit. Cette chronique d'Anna Lietti paraît tous les mois dans 24heures.

Seront-ils moins nombreux grâce à la nouvelle loi? La maltraitance de candidats à la naturalisation n’est en tous cas pas un phénomène marginal, a-t-on compris ces derniers mois. Quelques cas médiatisés – comme celui du couple Scanio à Nyon – ont en effet soulevé une poussière de témoignages concordants. Je suis sensible à la question, étant moi-même naturalisée. Jusqu’ici, quand je racontais mon examen de passage, dans les années 1980, j’ajoutais: «Maintenant, ce n’est plus comme ça.» Alors voilà: souvent, c’est encore comme ça.

Comme quoi? Une tentative d’éclaircissement supplémentaire n’est peut-être pas superflue, vu que le syndic de Nyon lui-même, nouvelle loi ou pas, n’a toujours pas compris. Recevoir un préavis négatif à l’examen de naturalisation, affirme Daniel Rossellat, c’est comme rater une première fois le permis de conduire, il n’y a pas de quoi en faire un plat. Non, vraiment: rien compris.

Comme quoi? Permettez que je vous raconte mon expérience, aussi peu spectaculaire soit-elle. Je n’ai pas été recalée à l’examen. J’avais bien appris par cœur toute ma brochure. J’ai donc répondu juste – sans béder sur les noms de fleuves comme cette malheureuse Antonia Scanio – aux questions des deux premiers examinateurs. Mais cela a indisposé le troisième. Qui m’a lancé, très agressif: «En somme, Mademoiselle, vous savez tout!?» Et m’a cherchée pendant cinq longues minutes. J’ai fait profil bas et pris toute la mesure du conseil dispensé la veille par une amie d’expérience: surtout, ne pas briller! Ne t’habille pas trop bien non plus. Ce qu’on attend de toi, c’est: modestie et soumission.

Comme quoi? Comme un gros malentendu. Prenez Antonio Scanio: né ici, il considère qu’il a suffisamment fait la preuve de son appartenance par son parcours de citoyen, de père, d’employeur. Il se sent en droit d’en solliciter la reconnaissance sur un pied d’égalité. Erreur! Le message implicite est: tu dois encore t’incliner. Accepter de te faire engueuler comme un écolier, subir une ultime chiquenaude avant le but. En somme, te baisser pour le ramasser, ton passeport.

Antonio Scanio refuse. Mais dites: n’est-ce pas la preuve qu’il est digne et courageux comme un vrai Suisse?


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