Dommage existentiel

© 2017 Bon pour la tête / Pascal Parrone
C’est l’histoire d’un homme qui a grandi sans père: l’amant éphémère qui a mis sa mère enceinte n’a jamais voulu le reconnaître. Et lui n’a jamais avalé ce refus. A 45 ans, Vincenzo Trani vient d’obtenir la reconnaissance, par le tribunal, d’un «dommage existentiel» qui appelle réparation: la «privation de figure paternelle». Le père biologique est condamné à lui verser 20’000 euros.
Des euros, oui, parce que l’histoire ne se passe pas aux Etats-Unis, ce pays excessif où l’on ne sort plus dans la rue sans avocat. Elle se passe en Italie, à Matera, autant dire à nos portes. L’avocat de Vincenzo Trani a fièrement expliqué à la presse nationale qu’il s’agit d’un jugement «historique» à double titre: d’abord, ce type d’action en justice était jusqu’ici réservé aux mères restées seules à la naissance de leur enfant. C’est la première fois que l’enfant lui-même, devenu adulte, s’en prend à son père biologique. Ensuite, le plaignant n’a rien eu à prouver: a-t-il souffert psychologiquement de l’absence du père? Le manque de soutien matériel l’a-t-il, par exemple, empêché de faire des études? Le juge n’a pas posé ce type de questions: le dommage est prouvé par les faits eux-mêmes, à savoir qu’il y a eu refus de reconnaitre l’enfant.
La judiciarisation des rapports humains avance à grand pas. Bien souvent, elle consiste à prendre à la lettre cette vieille expression, que l’enfant blessé, l’adulte humilié, la femme trompée murmurent entre leurs dents, dans l’amertume de leur impuissance: «Tu vas me le...
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