Abus de juste cause

Publié le 15 janvier 2018
Non, le sérieux n'est pas toujours là où l'on croit. Cette chronique d'Anna Lietti paraît tous les mois dans 24heures.

… et à la fin, Carmen sauve sa peau. Peut-on changer la fin d’un opéra, comme l’a fait le metteur en scène Leo Muscato dans le spectacle actuellement à l’affiche à Florence? Bien sûr qu’on peut. Faire dire à un texte le contraire de ce qu’on y lit à la lettre est un procédé théâtral courant, tant mieux; la liberté du metteur en scène est sacrosainte, tout comme celle du spectateur de lui lancer des tomates.
Là, il s’agit d’autre chose. D’un directeur de théâtre qui trouve le truc pour faire le buzz: il demande au metteur en scène de changer la fin de Carmen et prend soin de le faire savoir en une formule compactable en 140 signes et médiatiquement propulsable grâce au supercarburant #MeToo. A l’opéra de Florence, la bohémienne ne mourra pas «parce qu’il est inconcevable d’applaudir au meurtre d’une femme». Ce directeur, Cristiano Chiarot, n’est pas un crétin: il ne croit pas une minute qu’en applaudissant à un spectacle, on approuve l’action de tel personnage représenté sur scène. Mais il feint de le croire pour les besoins de son opération marketing. C’est fûté, mais c’est dégueulasse. Parce qu’en affichant un anti-machisme aussi normatif et bas de plafond, il ridiculise la cause qu’il feint de servir. Il alimente la conviction que le mouvement #MeToo vire au délire puritano-totalitaire. C’est un abuseur de justes causes.
Le risque d’une telle dérive existe, hélas. Avez-vous lu la tribune publiée dans Le Monde par un collectif de 100 femmes qui s’inquiètent de voir le mouvement de libération de la parole se retourner en son contraire? Ces artistes et écrivaines notent que les appels à la censure des œuvres de Balthus, Antonioni, Polanski sont déjà bien réels. Et racontent que leurs éditeurs leur demandent d’atténuer le «sexisme» de leurs personnages masculins.
Je vou...

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