Publié le 11 novembre 2020

Antoine Watteau, L’embarquement pour Cythère, 1717.

Rendant hommage à Gérard de Nerval dans le Mercure de France, Guillaume Apollinaire le qualifie d’«esprit charmant » et ajoute, «je l’eusse aimé comme un frère.» Ce cri du cœur, je pourrais le faire mien. Nerval figure en effet parmi ces très rares écrivains et artistes pour lesquels, par-delà l’œuvre, j’éprouve quelque chose de plus que de l’admiration, une forme d’affection. Sentiment que je retrouve chaque fois que je relis Les Filles du feu. En particulier Sylvie, qui prend pour cadre ce Valois si cher à l’auteur.

Le Valois, c’est d’abord des noms, Loisy, Othis, Mortefontaine, Chaalis, dont la seule évocation chez Nerval suffit à faire naître la rêverie et ressusciter le souvenir des temps bénis. Un peu comme chez Proust qui admirait tant son devancier et dont tout un chapitre au début de la Recherche s’intitule «Noms de pays: le nom.» Ils sont ceux d’une très vieille région qui a donné une dynastie à la France. Elle est située à une dizaine de lieues seulement au nord de Paris. Entre le Soissonnais, la Champagne et le Beauvaisis. 

C’est un pays d’étangs et de forêts. Forêts d’Ermenonville, de Chantilly et, je pourrais ajouter, de Compiègne, bois de Saint-Laurent. Dans lesquels, l’automne venu, on chasse toujours à courre, mais pour combien de temps encore? – Senlis abrite d’ailleurs un musée de la vénerie. Et, sous les arbres rougissants, comme lorsque j’y étais, des sonneries mêlées aux aboiements de meutes se font entendre. Rappel du «temps, écrit Nerval, où les chasses de Condé passaient avec leurs amazones fières, où les cors se répondaient de loin, multipliés par les échos.» Tous ces lieux dont les noms forment comme une guirlande dans l’œuvre de Nerval sont liés à son enfance à laquelle il demeura si fort attaché. 

Le château d’Ermenonville © R.A.

Né Gérard Labrunie, le futur écrivain voit le jour à Paris en 1808, d’un père médecin dans la Grande Armée et d’une mère, fille de lingère, native du Valois....

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