Anatomie d’une mauvaise chute

Publié le 5 avril 2024
Le dernier film de Justine Triet, qui vient de recevoir les hommages extatiques de l'officialité cinématographique, est aussi un monument d'idéologie à la gloire des femmes et à la charge des hommes. Si l'on cherchait un évangile pour ce nouveau féminisme de confrontation perpétuelle entre les sexes, «Anatomie d'une chute» remplit tous les critères. (Attention spoiler!)

Disparu il y a deux ans, le prix Nobel de physique Steven Weinberg est surtout connu du grand public pour cet aphorisme: «Il y aura toujours des gens bien qui font de bonnes choses, et des mauvaises gens qui font de mauvaises choses. Mais pour que des gens bien agissent mal, il faut la religion». Que l'on soit chrétien ou athée, cette phrase conserve toute sa pertinence si l'on remplace le mot religion par idéologie. Et l'idéologie est le personnage principal d'Anatomie d'une chute. L'histoire se résume une seule phrase: Un homme meurt, comment est-il mort? C'est le genre classique du «whodunnit» américain, contraction de «who's done it», ou qui l'a fait. Et comme dans tous les whodunnit, le spectateur est délibérément entraîné sur de fausses pistes les unes après les autres. Agatha Christie était maître du genre et parvenait à maintenir le mystère complet jusqu'à la révélation du coupable par l'inébranlable et moustachu Hercule Poirot. Ce whodunnit échappe hélas à cette règle tant son dénouement est prévisible.
Dans un chalet isolé de haute montagne, non loin de Grenoble, un couple vit avec un enfant d'une dizaine d'années et presque aveugle. Au retour d'une promenade avec son chien, l'enfant découvre le corps de son père, une plaie sanglante à la tête, allongé devant le chalet, mort. Cette plaie ouverte au crâne donne lieu à une enquête de police, puis à une mise en examen de l'épouse. Au terme d'un procès hautement émotionnel, l'épouse est acquittée et la thèse du suicide s'impose. 
Le film est construit en deux parties, la première servant d'alibi à la seconde. La première partie pourrait s'appeler «apparence conventionnelle de la femme en tant qu'épouse et mère». La seconde partie pourrait s'appeler «découverte de l'inhérente perversité de l'homme à tous points de ...

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