Non, Bolsonaro et sa politique ne sont pas les seuls responsables!

Publié le 26 août 2019
L'Amazonie brûle avec ses habitants. Mais, alors que pleuvent les critiques de la communauté internationale sur le président du Brésil, Jair Bolsonaro, et que l'indignation grandit dans le monde, personne ne parle de la politique dite «progressiste» dans le secteur agricole du président de la Bolivie, Evo Morales. Les déforestations par le feu sont également enregistrées dans ce pays, dans la zone de Chiquitania, dans la région de Santa Cruz. Ces incendies surviennent un mois après la signature par Morales de deux règlements: l'un autorisant le défrichage sur les terres agricoles et l’autre légalisant l'incendie volontaire «sous contrôle» des forêts des départements amazoniens de Santa Cruz et de Beni.

Aucun organisme n’a été en mesure de préciser la superficie du sol consumé par les flammes. Seule la déclaration du ministre brésilien de l’Environnement, Ricardo Salles, qui a survolé la région du Mato Grosso permet d’en avoir une idée.

Ce dernier a déclaré qu’environ 10’000 hectares étaient brûlés, dont 3000 appartiendraient à l’État du Mato Grosso. A cela, il faudrait ajouter les hectares de forêt et de prairies transformés en cendres à Santa Cruz (Bolivie) et dans des régions du Paraguay. 

Mais les incendies en Amazonie ne sont pas une surprise, ils ont toujours été là. Ce qui est surprenant, c’est leur croissance exponentielle. Selon l’Institut national de recherche spatiale (INPE), les incendies au Brésil ont augmenté de 83% par rapport à l’année précédente, pour atteindre 7243 hectares. Chaque année, août et septembre sont les mois qui connaissent le plus grand nombre d’incendies.

Des organisations environnementales et des chercheurs ont déclaré que les feux de forêt avaient été causés par des agriculteurs et des exploitants forestiers qui voulaient nettoyer les terres et les utiliser, enhardis par le président Bolsonaro, favorable aux entreprises. 

Pendant sa campagne électorale, il avait promis de relancer l’économie en exploitant le potentiel de l’Amazonie. Depuis lors, il était clair qu’il allait ignorer le problème de la déforestation, des incendies et de l’exploitation forestière. Le candidat qui s’est présenté à la présidence n’a jamais eu envie de travailler pour la conservation et la protection de l’Amazonie.

Sa ligne politique a toujours été limpide. Contrairement à son homologue, Evo Morales, président de la Bolivie.

En Bolivie, la Pachamama ne vit plus dans l’harmonie

Plus de 7000 kilomètres carrés brûlent depuis le début du mois d’août dans la région de Chiquitanía, dans le sud-est de la Bolivie, près de la frontière avec le Brésil et le Paraguay. Une superficie presque trois fois plus grande que le Luxembourg est en feu!

La semaine dernière, le mandataire d’Evo Morales s’est rendu à Santa Cruz.

Après avoir survolé la région, Morales a reconnu la gravité des dommages causés à l’environnement, mais il a défendu le décret suprême 3973 promulgué le 9 juillet, autorisant, dans les départements de Santa Cruz et de Beni, le défrichage et le brûlage de forêts afin de permettre la mise en culture de la terre.

Le président bolivien, Evo Morales, a décidé cette semaine de créer le «Cabinet des urgences environnementales». Il a également annoncé le recrutement d’un Supertanker, le plus grand avion-citerne du monde, pour arrêter ces incendies.

Des réponses insuffisantes pour faire face à un problème d’une taille incommensurable.

Une partie des communautés indigènes, ainsi que les environnementalistes, ont accusé directement Evo Morales en le déclarant responsable des incendies en vertu du décret suprême 3973. Pendant des années, les environnementalistes ont regretté qu’Evo Morales se soit fourvoyé dans son discours sur la protection de la nature, le même avec lequel il est arrivé au pouvoir.

En 2015, Morales avait déjà promulgué la loi 741, «qui autorise le défrichage de petites propriétés pour des activités agricoles et d’élevage».  Avec cette norme, le feu vert a été donné pour nettoyer – par exploitation forestière ou par incendie – jusqu’à 20 hectares. Donnant ainsi lieu à des feux illégaux qui se sont propagés sans contrôle. En treize ans de gouvernement, le président Evo Morales a adopté au moins quatre lois, ainsi que des décrets et des modifications de règlements techniques, qui, selon certains, ont un impact direct sur les forêts et les terres du territoire national.

Morales est en pleine campagne électorale. En fait, il aspire à un quatrième mandat consécutif qui le maintiendrait à la présidence jusqu’en 2025. Sa postulation est pourtant considérée comme illégale par les mouvements d’opposition et par les mouvements citoyens, car elle enfreindrait la limite constitutionnelle de deux mandats consécutifs. Surtout qu’un référendum en 2016 a rejeté sa réélection. 

Celui qui attendait de Morales un comportement de protecteur de la «Pachamama», Terre Mère, a de quoi être déçu.

Il semble que le cynisme de la gauche, incarnée par Morales, est à la hauteur de l’égoïsme capitaliste de Bolsonaro.

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