On a trouvé un banquier naïf

Publié le 1 mars 2021
Espèce rare. Mais il y en a un. Et pas un boutiquier de province. Le top du top. Philippe Hildebrand, 57 ans, Lucernois frotté dès ses jeunes années aux écoles américaines, diplômé d’Oxford, ex-président de la Banque nationale suisse, vice-président de Black Rock, le fonds d’investissements le plus puissant du monde. Il vient de se prendre une claque. Il ne sera pas le patron de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). L’échec était prévisible. Mais l’ambition du champion était telle qu’elle l’a rendu naïf. Le voilà découvrant qu’un Suisse, ce n’est pas tout à fait un Européen.

On ne peut pas, dans son domaine, imaginer une carrière plus flamboyante. Multimillionaire à 35 ans, entré à 40 ans au directoire de la BNS qu’il présidera. Avec juste un accroc: il doit démissionner en 2012 pour avoir, avec sa femme, fait des opérations personnelles d’initié. Pas de quoi abattre ce bel homme, richissime, sûr de lui, cosmopolite, ex-champion de natation et boxeur, discret sur sa vie privée. Il est marié à une femme d’affaires américano-pakistanaise et père d’une fille. Puis il se trouve propulsé à la vice-présidence de Black Rock, société américaine de gestion d’actifs: 7800 milliards de dollars en 2020, onze fois le PIB de la Suisse! Une force de frappe inouïe avec une présence dans 38 pays et 16 000 collaborateurs. Le virtuose helvétique y a notamment pour tâche de «verdir» l’image du groupe. Grand écolo… La touche qui manquait au portrait.
Lorsque devint vacante la direction de l’OCDE, l’organisation qui réunit 37 pays membres) et donne le ton dans les règles du jeu mondial, le sang de Hildebrand n’a fait qu’un tour. Un défi plus ambitieux encore. Car cette institution n’est pas un machin sans pouvoirs. La Suisse en sait quelque chose, c’est elle, pour une grande part, qui l’a contrainte à assainir ses pratiques bancaires.
La star de la finance s’est donc lancée dans la politique internationale. Avec l’appui du Conseil fédéral, de la diplomatie, et de généreux applaudissements. Il n’a pas ménagé sa peine. Cent cinquante rencontres en quatre mois, sept pays visités malgré le Covid. A Berne, où six personnes de l’administration l’appuyaient à plein temps, on le donnait vainqueur.
Et patatras. Il vient d’annoncer son retrait de la course, faute de soutiens en Europe. Amer, il constate dans la NZZ am Sonntag que la Suisse «a énormément perdu d’influenc...

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