Une télévision courageuse

Publié le 9 décembre 2020
A quoi sert une série télé? A distraire, à faire passer le temps, des intrigues amoureuses ou policières, quelques frissons… Pas précisément à faire réfléchir à l’état du monde. Et pourtant! «Cellule de crise», le film de Jacob Berger produit à grands frais (environ 4 millions!) par la RTS , nous plonge dans la tourmente. Pas forcément un choix populaire, mais un choix courageux. Un pari qui donne du sens à un petit écran par ailleurs tant envahi par de banales histoires américaines.

Le film (plus de quatre heures) met en scène un ersatz du CICR, ses manœuvres internes, ses jeux de pouvoir. Son président est tué dans un attentat alors qu’il posait à côté d’une petite fille dans un camp de réfugiés du Yemen. C’est une femme qui lui succède, un esprit critique qui se pose des questions de fond sur l’action humanitaire. Elle est vite rattrapée par la nécessité d’agir sans états d’âme, d’aborder des personnages peu reluisants pour sauver ce qui peut l’être dans la crise. Car la violence déferle de toutes parts dans ce pays déchiré entre sunnites et chiites, envahi par l’Arabie saoudite et des organisations sans pitié comme al-Qaida et l’Etat islamique. Des délégués du pseudo CICR sont enlevés, maltraités, assassinés. La fiction est proche d’une réalité qui interroge. Que valent les grands principes de la neutralité, du respect humain, des droits fondamentaux dans des sociétés qui les ignorent, dont certains protagonistes les combattent. L’humanitaire vu comme une arme de l’Occident! Face à cela que faire, que ne pas faire, rester ou partir? Quels mots trouver? Avec qui parler? Quelles alliances chercher pour continuer à venir en aide aux populations écrasées par la guerre? Il est bien fini, le temps des guerres entre Etats prévisibles, dont même les plus sinistres reconnaissaient autrefois la légitimité de l’institution genevoise et restaient accessibles aux démarches diplomatiques.
Ces interrogations affleurent, non pas dans de grands discours théoriques mais à travers un récit dramatique, intense, bouleversant. Avec de vrais personnages habités par des émotions amoureuses, familiales, intimes, lumineuses et sombres. Incarnés par d’excellents comédiens, André Dussolier et Isabelle Caillat en tête. Filmés avec la patte d’un grand cinéaste qui maîtrise l...

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