Publié le 4 mai 2020

Clint Eastwood et Marianne Koch dans Pour une poignée de dollars (1965) de Sergio Leone. Ou quand la crise sanitaire vire au western spaghetti. – © CC Wikimedia Commons

Après la chronique «le bien et le mal au temps du virus» d'Isabelle Falconnier publiée vendredi, en voici une consacrée aux «bons, brutes et truands au temps du virus». Commençons sans tarder par les truands, heureusement minoritaires en cette période troublée.

La médaille d’or truand, mention «gonflés à l’hélium» est attribuée à une étude d’avocats dont les associés – qui se comptent sur les doigts d’une main – génèrent un chiffre d’affaires annuel de plus de 3 millions de francs. Leur loyer? CHF 20’000 par mois, charges comprises, soit 8 % de leur chiffre d’affaires. Nos loulous ont demandé à l’Etat une exonération totale de leur loyer d’avril, décrétant sur l’honneur être en difficulté en raison de la crise Covid-19. Qui devait passer à la caisse? Vous, chers contribuables, à raison de 50 % versés par l’Etat, le solde étant à charge des propriétaires.


A lire aussi: Le bien, le mal et les McDo au temps du virus


La médaille d’argent truand, mention «petit voyou»: est remise à un cuisinier restaurateur, pas trop connu, employé de sa propre SA avec un salaire proche de 10’000 francs par mois et qui s’est mis au chômage, demandant une exonération totale de son loyer. Parallèlement et depuis mi-mars, il travaille comme cuisinier dans un hôpital d’un autre canton avec un salaire mensuel brut de 5’400 francs. Somme qui viendra sans doute mettre du beurre dans les épinards de ses indemnités chômage.

Médaille de bronze, mention «quand on aime, on ne compte pas»: attribuée à un gentil promoteur, entreprenant, dynamique et excellent dans sa communication. Grand acheteur de masques et autres moyens de protection Covid, sa «générosité» lui a valu des louanges médiatiques dithyrambiques. Certes, une partie de ses cargaisons a été vendue à prix coûtant à des hôpitaux, mais pour le solde, vendu aux entreprises et particuliers, sa marge bénéficiaire et de l’ordre de 35 % brut à vue de nez. Si bien mal acquis ne profite jamais, pas de doute: bien bien acquis profite toujours!

Passons aux bons, qui savent, comme le dit le Talmud, que «celui qui sauve une seule vie sauve l’humanité  entière».

Médailles d’or ex-aequo, mentions: «puisque je le peux, je le fais» décernées à:

Ce patron d’une entreprise de construction qui, pendant la fermeture temporaire des chantiers, a continué à payer à 100 % ses ouvriers en s’endettant, à titre personnel, pour le faire.

Cette dame, dont le mari est décédé du Covid-19 et qui a fait don de 10’000 francs à l’équipe de soigneuses et soigneurs qui ont accompagné son mari.

A ce chef d’entreprise au caractère bien trempé, qui – tout en faisant des dons à Caritas, au personnel du CHUV et à la Chaîne du bonheur – a également fait un don important aux organisations de volontaires s’occupant des réfugiés et migrants confinés dans les camps abjects des îles grecques.

A la Chaîne du Bonheur, qui a récolté quelque 35 millions de francs et vient concrètement en aide à celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Enfin, une pensée émue, hors catégorie, mention «essayé, pas pu» à ces anars du bon vieux temps, un peu mao, un chouïa trotsky avec une lampée de ligue marxiste révolutionnaire, qui ont lancé la «grève des loyers» en Suisse romande. Leur appel, «exigeant des propriétaires de logements et locaux commerciaux… qu’ils accordent l’exonération des loyers pour une durée minimum de trois mois» est tombé dans des oreilles plutôt sourdes aussi bien des locataires que des propriétaires. 

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Culture

Stands de spritz et pasta instagrammable: l’Italie menacée de «foodification»

L’explosion du tourisme gourmand dans la Péninsule finira-t-elle par la transformer en un vaste «pastaland», dispensateur d’une «cucina» de pacotille? La question fait la une du «New York Times». Le débat le plus vif porte sur l’envahissement des trottoirs et des places par les terrasses de bistrots. Mais il n’y (...)

Anna Lietti
Politique

Les penchants suicidaires de l’Europe

Si l’escalade des sanctions contre la Russie affaiblit moins celle-ci que prévu, elle impacte les Européens. Des dégâts rarement évoqués. Quant à la course aux armements, elle est non seulement improductive – sauf pour les lobbies du secteur – mais elle se fait au détriment des citoyens. Dans d’autres domaines (...)

Jacques Pilet
Politique

Honte aux haineux

Sept enfants de Gaza grièvement blessés sont soignés en Suisse. Mais leur arrivée a déclenché une tempête politique: plusieurs cantons alémaniques ont refusé de les accueillir, cédant à la peur et à des préjugés indignes d’un pays qui se veut humanitaire.

Jacques Pilet
Economie

Le secret bancaire, un mythe helvétique

Le secret bancaire a longtemps été l’un des piliers de l’économie suisse, au point de devenir partie intégrante de l’identité du pays. Histoire de cette institution helvétique, qui vaut son pesant d’or.

Martin Bernard
Culture

Un selfie dans l’ascenseur

Notre obsession du selfie n’est pas purement narcissique, il s’agit aussi de documenter notre présent par le biais d’un langage devenu universel. Quant aux ascenseurs, ce sont des confessionnaux où, seuls, nous faisons face à nous-mêmes.

David Laufer
Sciences & Technologies

Des risques structurels liés à l’e-ID incompatibles avec des promesses de sécurité

La Confédération propose des conditions d’utilisation de l’application Swiyu liée à l’e-ID qui semblent éloignées des promesses d’«exigences les plus élevées en matière de sécurité, de protection des données et de fiabilité» avancées par l’Administration fédérale.

Solange Ghernaouti
Santé

L’histoire des épidémies reste entourée de mystères et de fantasmes

Les virus n’ont pas attendu la modernité pour bouleverser les sociétés humaines. Dans un livre récent, les professeurs Didier Raoult et Michel Drancourt démontrent comment la paléomicrobiologie éclaire d’un jour nouveau l’histoire des grandes épidémies. De la peste à la grippe, du coronavirus à la lèpre, leurs recherches révèlent combien (...)

Martin Bernard
Politique

Les poisons qui minent la démocratie

L’actuel chaos politique français donne un triste aperçu des maux qui menacent la démocratie: querelles partisanes, déconnexion avec les citoyens, manque de réflexion et de courage, stratégies de diversion, tensions… Il est prévisible que le trouble débouchera, tôt ou tard, sous une forme ou une autre, vers des pouvoirs autoritaires.

Jacques Pilet
Sciences & Technologies

Identité numérique: souveraineté promise, réalité compromise?

Le 28 septembre 2025, la Suisse a donné – de justesse – son feu vert à la nouvelle identité numérique étatique baptisée «swiyu». Présentée par le Conseil fédéral comme garantissant la souveraineté des données, cette e-ID suscite pourtant de vives inquiétudes et laisse planner la crainte de copinages et pots (...)

Lena Rey
Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch
Politique

Le déclassement géopolitique de la Suisse est-il irréversible?

Même s’il reste très aléatoire de faire des prévisions, il est légitime de se demander aujourd’hui ce que nos descendants, historiens et citoyens, penseront de nous dans 50 ans. A quoi ressemblera la Suisse dans un demi-siècle? A quoi ressembleront l’Europe, si elle n’a pas été «thermonucléarisée» entre-temps, et le (...)

Georges Martin
Culture

Une claque aux Romands… et au journalisme international

Au moment où le Conseil fédéral tente de dissuader les cantons alémaniques d’abandonner l’apprentissage du français au primaire, ces Sages ignorants lancent un signal contraire. Il est prévu, dès 2027, de couper la modeste contribution fédérale de 4 millions à la chaîne internationale TV5Monde qui diffuse des programmes francophones, suisses (...)

Jacques Pilet
Politique

A confondre le verbe et l’action, on risque de se planter

De tout temps, dans la galerie des puissants, il y eut les taiseux obstinés et les bavards virevoltants. Donald Trump fait mieux. Il se veut le sorcier qui touille dans la marmite brûlante de ses colères et de ses désirs. Il en jaillit toutes sortes de bizarreries. L’occasion de s’interroger: (...)

Jacques Pilet
Philosophie

Notre dernière édition avant la fusion

Dès le vendredi 3 octobre, vous retrouverez les articles de «Bon pour la tête» sur un nouveau site que nous créons avec nos amis d’«Antithèse». Un nouveau site et de nouveaux contenus mais toujours la même foi dans le débat d’idées, l’indépendance d’esprit, la liberté de penser.

Bon pour la tête
Economie

Quand les PTT ont privatisé leurs services les plus rentables

En 1998, la Confédération séparait en deux les activités des Postes, téléphones et télégraphes. La télécommunication, qui s’annonçait lucrative, était transférée à une société anonyme, Swisscom SA, tandis que le courrier physique, peu à peu délaissé, restait aux mains de l’Etat via La Poste. Il est utile de le savoir (...)

Patrick Morier-Genoud
PolitiqueAccès libre

PFAS: un risque invisible que la Suisse préfère ignorer

Malgré la présence avérée de substances chimiques éternelles dans les sols, l’eau, la nourriture et le sang de la population, Berne renonce à une étude nationale et reporte l’adoption de mesures contraignantes. Un choix politique qui privilégie l’économie à court terme au détriment de la santé publique.