Alice Guy, pionnière lumineuse de la camera oscura

Publié le 12 septembre 2019
Première femme cinéaste, Alice Guy-Blaché a réalisé des dizaines de courts-métrages, aussi poétiques qu’humoristiques. Artiste engagée, féministe en milieu moustachu, elle a bourlingué du Chili à la France, sans oublier les Etats-Unis. Interview imaginaire inspirée de son «Autobiographie d’une pionnière du cinéma».

BPLT: Vous êtes la première femme cinéaste au monde et l’êtes restée durant dix-sept ans, comment avez-vous réussi à vous imposer?
A. G-B: Le XIXe siècle était très sexiste mais j’ai fait ma place dans ce milieu moustachu! L’adversité ne m’a jamais affolée. J’ai passé mon enfance ballottée entre le Chili et La France entre un père libraire et une mère active dans les œuvres caritatives. Lorsque mon père est décédé, j’ai eu ma mère à charge et j’ai pris des cours de sténographie pour m’en sortir.
Quel a été votre premier job?
En mars 1895, une place de sténographe s’est libérée au Comptoir Général de Photographie dont le fondé de pouvoir était Léon Gaumont, un ami des frères Lumière. Malgré mon très jeune âge, 22 ans, j’ai été engagée en tant que secrétaire de Léon Gaumont, un homme formidable. Il m’a fait une confiance absolue en me donnant, cinquante ans avant le droit de vote des femmes, un poste à responsabilités.
Votre vie prend alors un tournant extraordinaire!
J’ai été invitée à la première du Cinématographe… où se trouvait aussi Méliès. Nous avons découvert avec émerveillement les images photographiques animées lors de la première représentation publique, à Paris, du Cinématographe par les frères Lumière, plus précisément Une partie de cartes, réalisé en 1986 par Louis Lumière.
Léon Gaumont, puis les frères Lumière, vous avez rencontré les bonnes personnes au bon moment?
Vous pouvez ajouter Emile Zola ou encore Charlie Chaplin à qui j’ai présenté mon film Le chapeau de paille d’Italie – ce dernier travaillait à cette époque à son film Le Kid – mais aussi Louis Feuillade ou René Barjavel et Alexandre Yersin, que j’ai équipé moi-même d’un cinématographe lorsqu’il est parti pour Hong Kong. J’ai aussi reçu de nombreux encouragements de Gustave Eiffel.
Sans oublier Mé...

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