Au-delà de la rencontre d’Albert Rösti et du général Guisan

Publié le 30 juillet 2019
Le chef du plus grand parti de Suisse, l’UDC, a donc sonné l’alarme nationale sur la prairie du Grütli. Pour en appeler à la résistance face à l’Union européenne comme le chef des armées l’avait fait, le 25 juillet 1940, pour galvaniser ses troupes et le pays tout entier face à la menace des puissances de l’Axe hitlérien. Le parallèle est d’un ridicule qui saute aux yeux, et aussi d’une bassesse électoraliste assez puante. Passons. Cet événement est aussi l’occasion de se souvenir des circonstances historiques ainsi évoquées à tort et à travers.

L’invasion allemande de la France et de la Belgique, après celle de la Pologne, a provoqué un choc considérable en Suisse, alors qu’au sud, en Italie, le régime fasciste était à son apogée, alors qu’à l’est, l’Autriche avait été intégrée au Reich. Il y eut une phase de doutes, de défaitisme. Le discours fumeux et ambigu du 25 juin 1940 du président de la Confédération, Marcel Pilet-Golaz, avait davantage inquiété que rassuré. Le Vaudois notait que les temps changeaient, que l’on allait vers «des mutations profondes… » Rien ne permettait de douter de sa volonté de s’opposer au Reich, mais cet homme de droite était manifestement influencé par certains discours des extrême-droites française et italiennes, très répandus à cette époque, en Suisse romande en partifculier. Sur les faiblesses de la démocratie, sur la nécessité d’un régime fort, d’une renaissance nationale.
Un mois plus tard, la décision d’Henri Guisan de réunir ses 300 officiers supérieurs sur la plaine du Grütli – pas très sage au vu des risques encourus – était un beau coup militaire et politique. On possède le texte du discours préparé mais pas exactement ce qui s’est dit réellement car le général s’en écartait. Pour l’essentiel, il dressa le réquisitoire du défaitisme qui s’était répandu jusque chez certains cadres de l’armée, il proclama la volonté absolue de faire face à la menace extérieure… et intérieure, visant les propensions pacifistes de la gauche qu’il exécrait.
L’évènement trouva un grand écho dans la population suisse. Il gagna immédiatement une immense popularité. Au point de troubler le Conseil fédéral qui vit dans cet appel un acte politique dépassant quelque peu le cadre militaire. Guisan avait aussi révélé sa stratégie. De fait, il renonçait, en cas d’invasion, à défendre le plateau et les g...

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