Ce que nous apprend le Brésil

Publié le 13 octobre 2018
Les jeux sont faits. Le Brésil aura un président nostalgique de la dictature militaire (1964-1985). Appuyé par un ministre de l’économie véritable Chicago boy, ultra-libéral, et par un vice-président, un général, qui estime que la Constitution de 1988 qui restaura la démocratie fut «une erreur». Le Brésil, c’est loin, c’est différent, oui, mais il nous dit comment le désarroi des peuples, sous diverses formes, dans divers contextes, peut conduire au pire.

Le «front républicain» ne se constituera pas. Par la faute aussi du PT de Lula qui aurait pu et dû, depuis longtemps, rassembler les démocrates au lieu de rêver à revenir solitaire au pouvoir. La formation de Jair Bolsonaro n’aura cependant pas la majorité aux Chambres. Le président devra composer avec une myriade de petits partis (40 étaient en lice!). S’il y parvient sans corruption, ce sera un exploit. On peut en douter. S’il peine avec les parlementaires, il pourrait alors mettre en œuvre son plan B. «En cas d’anarchie, a-t-il déclaré, nous pourrions envisager un auto-coup d’Etat et mettre l’armée au pouvoir.» Lorsque son vice-président, le général Hamilton Mourao, a fait sa sortie sur «l’erreur» de la Constitution de 1988, Bolsonaro a déclaré que c’était là «une faute de tact» mais ne l’a pas contredit sur le fond. Ce personnage, bien que violent, homophobe, misogyne et raciste, a un boulevard devant lui. Les dirigeants économiques le soutiennent. Il aura l’appui des Etats-Unis où Trump se réjouit de lui donner l’accolade. Qui pense que le populisme de droite ne peut pas faire bon ménage avec le libéralisme mondialisé se met le doigt dans l’œil. Et malin, il maintiendra sa popularité en cognant dur sur les voyous, en autorisant tout un chacun à se faire justice arme à la main et en promettant de maintenir la fameuse «bolsa familia» inventée par Lula, fortement réduite ces dernières années. Il annonce même un treizième mois à ses bénéficiaires.
On a beaucoup parlé des causes de l’adhésion populaire à ce personnage. La colère contre la corruption généralisée, l’inquiétude face à la criminalité, le rejet de la gauche qui a d’abord séduit la majorité puis l’a déçue, l’irritation devant la libération des mœurs. Sans question migratoire. Celle-ci a certes largement contr...

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