L’Europe combat aussi le dumping salarial

Publié le 10 août 2018
Le psychodrame est en place. Dans le rôle du méchant: l’Union européenne qui veut nous envoyer des travailleurs sous-payés. Dans le rôle du gentil: les syndicats déchaînés. Dans le rôle de l’intrigant qui se prend les pieds dans le tapis: le Conseil fédéral. Ou plutôt MM. Cassis et Schneider-Amman, aussi peu avertis des affaires européennes et aussi gaffeurs l’un que l’autre. Dans cette affaire, ils en disent trop ou trop peu sur l’état des négociations. Et personne ne dit un mot sur ce que cette même UE prépare pour en finir avec le dumping salarial. Quoi qu’on en pense, il serait utile de le savoir, non?

Ce printemps même, le Parlement européen est enfin parvenu à un accord au terme de houleuses négociations. Il a posé un principe, formulé haut et fort par la commissaire Marianne Thyssen: « Les travailleurs détachés doivent bénéficier de la même rémunération sur le même lieu de travail.» En clair: alignement de ces salaires sur les conventions collectives, avec la part du 13e salaire et des divers bonus. La durée maximale de ces engagements temporaires est réduite à 12 mois (plus éventuellement 6 mois en cas de besoin explicite). Les amendes en cas d’infraction seront augmentées. Et dans les pays qui le souhaitent, les noms des entreprises fautives seront publiés. C’est une victoire des pays qui accueillent ces forces de travail sur ceux qui les envoient, principalement ceux de l’Est, en Espagne et au Portugal. Finalement, seuls la Pologne et la Hongrie ont voté non. Ils ont été mis en minorité et devront appliquer le texte. 
Reste la question des contrôles. Ils seront partout renforcés. La France en affiche la volonté et crée une entité administrative ad hoc. L’UE met aussi sur pied une agence qui aidera les Etats à faire appliquer la norme et coordonnera les expériences. Tout cela sera long (application dès 2020) et imparfait. Mais le mouvement est donné. Il apporte sans aucun doute de l’eau au moulin des négociateurs suisses qui tiennent, à juste titre, à cette surveillance. Le hic, c’est que nous ne siégeons pas au Parlement européen qui nous permettrait de donner de la voix au plus haut niveau. Nous y trouverions de précieux appuis. Voilà ce qui se passe quand on prétend reprendre des normes au nom de notre intérêt économique sans siéger là où elles s’élaborent. 
Points de désaccords
Au regard de cette évolution, les points de désaccords tels qu’ils ont été mentio...

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