Un amour de souverainiste

Publié le 26 juillet 2018

La page du site Il Talebano où Vittorio Sofo se présente. Sur la photo, de gauche à droite, Vittorio Sofo, Marion Maréchal Le Pen et Matteo Salvini. – © 2018 Bon pour la tête

Enlacés sur une plage des Cinque Terre, Marion Maréchal (anciennement Le Pen) et Vincenzo Sofo, penseur de la nouvelle extrême droite italienne, font la Une de la presse people. Mais où diable le Calabrais de Milan a-t-il pris le nom du think tank qu’il a fondé: Il Talebano?

«Une Française et un Calabrais, c’est le nouveau couple chic du souverainisme international», résume Vanityfair.it, l’un des nombreux journaux de la Péninsule entré en effervescence suite au scoop photographique du tabloïd Chi: Marion Maréchal et Vincenzo Sofo sur une plage des Cinque Terre. La nièce de Jean-Marie Le Pen, en bikini fleuri, enlace la taille du leghiste et animateur du think tank Il Talebano, en short à carreaux.

 

Le couple s’est rencontré en 2016, lors d’un congrès de La Lega organisé par le penseur de la droite péninsulaire qui monte. Entre-temps, le parti xénophobe de Matteo Slavini a accédé au pouvoir aux côtés du mouvement Cinque Stelle. A la mi-juillet, avant son escapade balnéaire, la blonde et le brun barbu se sont retrouvés sur la riviera ligure pour un festival qui semble n’avoir de littéraire que l’intitulé: «Liguria d’autore». Thème du premier débat: «Les invasions barbares. Souveraineté et pouvoir.»

Déjà en 2016, Marion Maréchal expliquait le but de ses escapades péninsulaires: «Nous voulons créer une alliance européenne tournée vers la Russie et qui combatte l’Europe des technocrates et de l’immigration en faveur d’une Europe des peuples et des nations.» Des propos en parfaite harmonie avec les aspirations de son compagnon. Vincenzo Sofo, diplômé en économie politique, qui préfère se définir comme un «Milanais de sang calabrais», est en effet un acteur clé du virage accompli par l’ex Lega Nord, née sécessionniste et alliée à la droite berlusconienne. La Lega nouvelle se veut un monolithe national d’extrême droite, détaché de Forza Italia et allié aux mouvements souverainistes européens.

Duo de choc

Chambre d’écho idéologique de cette Lega nouvelle, le think tank Il Talebano, fondé par Vincenzo Sofo et le sociologue créationniste Fabrizio Fratus. Le site se présente comme un «laboratoire culturel» et privilégie les articles historiques – comme celui qui appelle à l’abolition de la fête du 25 avril, anniversaire de la libération de 1946. Ou sociétaux, comme par exemple: «Identité, famille, dialecte: trois piliers pour une culture nouvelle.»
Il Talebano déclare «la faillite de la démocratie représentative des partis et des syndicats» et lance «le défi d’une démocratie des élites, fondée sur l’instruction, la sélection et la formation des classes dirigeantes.»

Mais pourquoi, ce nom, Le Taliban? Au quotidien Il Giornale qui lui a posé la question en 2015, Vincenzo Sofo a répondu qu’il s’agit d’«une provocation», inspirée par un de ses penseurs de référence, Massimo Fini: «Au moment de la guerre de l’Occident en Afghanistan, tous les médias utilisaient ce terme pour nommer le mal absolu justificateur de toutes les guerres voulues par les USA dans ces régions et occulteur de leurs véritables visées géopolitiques et économiques. Ces guerres ont déclenché le drame de l’invasion migratoire que l’Italie subit aujourd’hui de plein fouet. Nous avons choisi ce nom pour souligner la nécessité d’être du côté de celui qui défend sa terre et non de celui qui détruit des peuples et des pays au nom de l’argent.»

Sombre panache

Vincenzo Sofo n’est pas un très bon communicateur, du moins par écrit: dans ses textes pour Il Talebano, il semble incapable de faire une phrase de moins de huit lignes et pratique un jargon «old school italienne» assez rédhibitoire. Son inspirateur Massimo Fini, c’est une autre pointure. Ex-journaliste à L’Avanti et à Repubblica, journaux de gauche, actuellement collaborateur à Il Fatto quotidiano, journal de droite, l’éditorialiste et écrivain est passé maître, au fil du temps, dans l’art des prises de positions déroutantes, paradoxales, provocatrices. 

Voici ce qu’il écrit dans son livre Senz’anima (2010):  «Je voudrais être un taliban, un kamikaze, un Afghan, un boat people, un affamé du Darfur, un juif torturé par ses bourreaux, un bolchévique, un fasciste, un nazi. Parce que, plus que de l’horreur, j’ai horreur du rien.» Ça ne veut pas dire grand chose, au fond. Mais ça a du panache, un sombre panache à ne pas sous-estimer. 


L’article de vanityfait.it: Marion Le Pen e Vincenzo Sofo, quando l’amore regna sovranista

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Politique

Et si l’on renversait la carte du monde!

Nos cartes traditionnelles, avec le nord en haut et le sud en bas, offrent un point de vue arbitraire et distordu qui a façonné notre vision du monde: l’Afrique, par exemple, est en réalité bien plus grande qu’on ne le perçoit. Repenser la carte du globe, c’est interroger notre perception (...)

Guy Mettan
Politique

En Afrique, à quoi servent (encore) les élections?

Des scrutins sans surprise, des Constitutions taillées sur mesure, des opposants muselés: la démocratie africaine tourne à la farce, soutenue ou tolérée par des alliés occidentaux soucieux de préserver leurs intérêts. Au grand dam des populations, notamment des jeunes.

Catherine Morand
Economie

Où mène la concentration folle de la richesse?

On peut être atterré ou amusé par les débats enflammés du Parlement français autour du budget. Il tarde à empoigner le chapitre des économies si nécessaires mais multiplie les taxes de toutes sortes. Faire payer les riches! Le choc des idéologies. Et si l’on considérait froidement, avec recul, les effets (...)

Jacques Pilet
Sciences & Technologies

La neutralité suisse à l’épreuve du numérique

Face à la domination technologique des grandes puissances et à la militarisation de l’intelligence artificielle, la neutralité des Etats ne repose plus sur la simple abstention militaire : dépendants numériquement, ils perdent de fait leur souveraineté. Pour la Suisse, rester neutre impliquerait dès lors une véritable indépendance numérique.

Hicheme Lehmici
Politique

Les poisons qui minent la démocratie

L’actuel chaos politique français donne un triste aperçu des maux qui menacent la démocratie: querelles partisanes, déconnexion avec les citoyens, manque de réflexion et de courage, stratégies de diversion, tensions… Il est prévisible que le trouble débouchera, tôt ou tard, sous une forme ou une autre, vers des pouvoirs autoritaires.

Jacques Pilet
Sciences & Technologies

Identité numérique: souveraineté promise, réalité compromise?

Le 28 septembre 2025, la Suisse a donné – de justesse – son feu vert à la nouvelle identité numérique étatique baptisée «swiyu». Présentée par le Conseil fédéral comme garantissant la souveraineté des données, cette e-ID suscite pourtant de vives inquiétudes et laisse planner la crainte de copinages et pots (...)

Lena Rey
Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch
Philosophie

Une société de privilèges n’est pas une société démocratique

Si nous bénéficions toutes et tous de privilèges, ceux-ci sont souvent masqués, voir niés. Dans son livre «Privilèges – Ce qu’il nous reste à abolir», la philosophe française Alice de Rochechouart démontre les mécanismes qui font que nos institutions ne sont pas neutres et que nos sociétés sont inégalitaires. Elle (...)

Patrick Morier-Genoud
Politique

La stratégie de Netanyahu accélère le déclin démocratique d’Israël

Le quotidien israélien «Haaretz» explique comment l’ancien Premier ministre Naftali Bennett met en garde les forces de sécurité et les fonctionnaires contre une possible manipulation du calendrier électoral et la mainmise de Netanyahu sur l’appareil sécuritaire.

Patrick Morier-Genoud
Culture

Sorj Chalandon compatit avec les sinistrés du cœur

Après «L’enragé» et son mémorable aperçu de l’enfance vilipendée et punie, l’écrivain, ex grand reporter de Libé et forte plume du «Canard enchaîné», déploie une nouvelle chronique, à résonances personnelles, dont le protagoniste, après la rude école de la rue, partage les luttes des militants de la gauche extrême. Scénar (...)

Jean-Louis Kuffer
Politique

Netanyahu veut faire d’Israël une «super Sparte»

Nos confrères du quotidien israélien «Haaretz» relatent un discours du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui évoque «l’isolement croissant» d’Israël et son besoin d’autosuffisance, notamment en matière d’armement. Dans un éditorial, le même quotidien analyse ce projet jugé dangereux et autodestructeur.

Simon Murat
Politique

Démocratie en panne, colère en marche

En France, ce n’est pas tant le tourniquet des premiers ministres et la détestation de Macron qui inquiètent, c’est le fossé qui se creuse entre la société et le cirque politicien, avec son jeu d’ambitions qui paralyse le pays. Le tableau n’est guère plus réjouissant en Allemagne, en Grande-Bretagne, en (...)

Jacques Pilet
Politique

USA out, Europe down, Sud global in

Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai et les célébrations qui se sont tenus en Chine cette semaine témoignent d’un nouveau monde. L’Europe n’en fait pas partie. A force de pusillanimité, d’incompétence géopolitique et à trop jouer la carte américaine, elle a fini par tout perdre. Pourtant, elle persévère (...)

Guy Mettan
PhilosophieAccès libre

L’individualisme, fondement démocratique, selon Tocqueville

Notre démocratie est en crise, comment la réinventer? Que nous enseignent ceux qui, au cours des âges, furent ses concepteurs? Pour le penseur français Alexis de Tocqueville (1805-1859), l’individualisme et l’égalisation des conditions de vie sont deux piliers essentiels de la démocratie.

Bon pour la tête
PolitiqueAccès libre

La politique étrangère hongroise à la croisée des chemins

Pour la première fois en 15 ans, Viktor Orban est confronté à la possibilité de perdre le pouvoir, le parti d’opposition de Peter Magyar étant en tête dans les sondages. Le résultat pourrait remodeler la politique étrangère de la Hongrie, avec des implications directes pour l’Union européenne.

Bon pour la tête
PolitiqueAccès libre

Les fonds cachés de l’extrémisme religieux et politique dans les Balkans

L’extrémisme violent dans les Balkans, qui menace la stabilité régionale et au-delà, n’est pas qu’idéologique. Il sert à générer des profits et est alimenté par des réseaux financiers complexes qui opèrent sous le couvert d’associations de football, d’organisations humanitaires et de sociétés actives dans la construction, l’hôtellerie ou le sport. (...)

Bon pour la tête