L’épopée du barrage inondé

C’est une des plus grandes entreprises d’Amérique latine qui est à l’ouvrage: EPM (Empreas Publicas de Medellin). Une multinationale entièrement détenue par des entités locales et nationales publiques, de Colombie, mais aussi du Chili, du Panama, du Mexique, du Salvador et du Guatemala. Son champ d’action: la production d’énergie et les transports urbains. Elle a été créée en 1955 avec l’appui de plusieurs organismes internationaux, dont la Banque mondiale et la Banque inter-américaine de développement.
Une bonne part de son budget a été consacré à ce barrage, situé à une centaine de kilomètres de Medellin. Il doit créer un lac long de 70 km à 220 m. d’altitude. Le mur a été surélevé en toute hâte jusqu’à 430 m. Pour affronter un terrible défi technique. Il avait été prévu trois tubes souterrains d’évacuation de l’eau du fleuve pendant les travaux de construction de l’usine. Deux ont été bouchés pour commencer le remplissage. Mais le troisième a été obstrué par de soudains mouvements géologiques. Alerte rouge! Il fallait empêcher que les flots se déversent hors de tout contrôle dans la vallée et mette la population en danger. Un plan d’évacuation a été organisé: environ 1500 familles ont dû quitter leurs demeures et trouver refuge dans la commune de Valdivia où une nouvelle auberge a été construite en toute hâte. Elles reçoivent une aide financière et divers soutiens sociaux. On ne compte pas de victimes, mais quelques maisons et trois ponts ont été détruits.
Quand la montagne bouge
Pour éviter la catastrophe, les ingénieurs ont décidé de faire passer l’eau par la salle des machines en construction. Les dégâts sont considérables et provoqueront au moins trois ans de retard dans la mise en service. Une noria d’experts internationaux défilent sur les lieux pour trouver le meilleur moyen de rétablir la situation et de se prémunir contre les risques futurs. Quand la montagne bouge, tous se trouvent démunis. Certains spécialistes nord-américains se sont montrés très critiques sur la manière de faire et la qualité des matériaux utilisés. Ce qui suscite d’ores et déjà la polémique.
Cette installation est essentielle pour l’économie d’un pays qui, pour l’instant, a renoncé au nucléaire. Les 2400 mégawatts prévus (Grande-Dixence: 2000) satisferont les besoins d’une vaste région. Le pire serait qu’il s’ensable dans les procédures et les griefs. La gauche colombienne a tendance à accuser les grands projets de tous les maux, qu’ils soient publics, comme dans ce cas, ou privés, notamment dans le domaine des mines. Or si les montagnes présentent des risques, elles offrent aussi des chances qu’un pays en plein développement ne peut négliger. Ce sera le sujet de notre prochain article.
A suivre
Série 4/4 Mines d’or: l’enfer ou l’espoir– Jacques Pilet
Précédemment dans Bon pour la tête
Série 1/4 Leçon de démocratie d’un pays qui court après la paix – Jacques Pilet
Série 2/4 Plus compliqué d’acheter des cigarettes à Medellin que de la coke à Lausanne – Jacques Pilet
Les indigènes à la marge du processus de paix – Yves Magat
Série L’autre poudre blanche – Vincent Dubuis et Johanna Castellanos
Visite du Pape François en Colombie: une ferveur sans réflexion – Johanna Castellanos
Nounou Magdalena: 100 ans de sollicitude – Doménica Canchano Warthon
La Colombie, muy caliente– Luc Debraine
«Mariage à trois» en Colombie» – Anna Lietti
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