Le sexe au cinéma: un siècle d’échecs

Publié le 18 juillet 2025
L’histoire du cinéma témoigne qu’il est souvent plus efficace de suggérer les rapports érotiques entre protagonistes plutôt que de les montrer crûment. D’autant qu’ils n’apportent souvent rien à la compréhension du scénario ni à la profondeur des personnages. Moins on en fait, plus on en dit.

Le réalisateur Louis Malle était l'invité d'honneur d'une émission culturelle à la télévision. C'était il y a environ trente ans. Autour de lui, quelques invités avaient été soumis à un jeu intéressant. On avait projeté pour eux deux scènes tirées de ses films. La première était extraite des Amants, de 1958. En noir et blanc, Jeanne Moreau y fait l'amour avec Alain Cuny sur une musique de Brahms. Les gestes sont lents et filmés de près, on suit sa main sur le drap qui, se crispant, indique qu'elle parvient à l'extase. Rien n'est dévoilé de l'anatomie des acteurs, on est en plein dans la suggestion. La seconde scène soumise aux invités était tirée de Fatale, de 1992. Juliette Binoche et Jeremy Irons y font l'amour sur un pas de porte, haletants et transpirants. Ils se malaxent comme de la pâte à pain, soumettant leur intimité physique au spectateur sans aucune pudeur. Puis on demandait aux invités laquelle de ces deux scènes avait leur préférence. Les Amants était le vainqueur incontesté.
Cette expérience révélait la difficulté de montrer l'amour physique sur écran. Les deux scènes étaient les deux extrêmes du genre: du suggestif poétique à l'explicite animalier. Entre les deux, l'histoire du cinéma nous a soumis tous les angles possibles. Et malgré tous leurs efforts, ces innombrables tentatives de montrer cet acte fondamental de l'expérience humaine restent inutiles au mieux, dégoûtantes au pire. Pas une seule scène de sexe ne sonne juste. Chaque fois qu'on y arrive, je saute sur ma télécommande et passe à la scène suivante. L'émission de Louis Malle prouvait toutefois une chose avec certitude: entre l'explicite et le suggéré, le second gagnera toujours. Moins on en fait, plus on en dit.
Dans la majorité des cas, le sexe à l'écran est une histoire mièvre
Dans Pretty Wo...

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