La mauvaise herbe mafieuse en Suisse

Publié le 7 juin 2024

Un membre de l’Unité spéciale « Enzian » de la police bernoise. © DR – Wikimedia Commons – CC BY-SA 4.0

Les récentes déclarations de la cheffe de la police fédérale (Fed Pol) ont pointé vers la nécessité de prendre plus au sérieux l’activité des organisations mafieuses sur notre territoire. Nous en parlons avec Francesco Lepori, journaliste à la Radiotelevisione Svizzera di lingua italiana (RSI) qui depuis une dizaine d’années mène des recherches sur la criminalité organisée en Suisse.

Boas Erez: Vous avez pu décrire l’activité mafieuse comme une mauvaise herbe. Vous préférez cette image à celle d’un cancer. Pourquoi?

Francesco Lepori: Les mauvaises herbes se développent un peu partout dans les jardins. Elles entrent en concurrence avec les autres espèces, et elles favorisent la diffusion des maladies, sans pour autant menacer la vie du biotope, dont elles ont besoin pour proliférer. Surtout, il faut un travail constant pour en venir à bout: il ne suffit pas d’intervenir une fois avec de gros moyens. Si vous laissez un petit bout de racine, la mauvaise herbe repoussera. Aussi, les mauvaises herbes en disent long sur la terre de votre jardin.

Autant pour l’image. Qu’en est-il en réalité de la présence mafieuse en Suisse?

Elle est tout à fait non négligeable. Comme l’a indiqué la directrice de la Fed Pol, Nicoletta Della Valle, le décryptage des systèmes de communication Encrochat et SkyEcc utilisés par les organisations mafieuses a mis à jour l’étendue de leurs trafics, et leur sentiment d’impunité. La task-force européenne qui a réussi cet exploit il y a quelques années déjà, et auquel les autorités suisses ont participé, a récolté une quantité de données absolument gigantesque, que la Fed Pol ne pourra malheureusement pas analyser en temps utile, faute de moyens.

Pourriez-vous nous donner une idée de comment opèrent ces organisations criminelles?

Les informations que j’ai récoltées à travers l’analyse des actes judiciaires et les contacts suivis avec les enquêteurs me portent à souligner que contrairement au lieu...

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