Le suicide de l’Occident et la revanche du Sud-Orient (2/2)

Publié le 26 janvier 2024
«Dans les pays arabes, plus personne n'écoute ce que disent les Occidentaux», me dit cet ami algérien. Il aurait pu ajouter: dans les pays asiatiques, africains et latino-américains non plus. L'effondrement moral et le narcissisme médiatique leur ont fait perdre tout crédit. Dans son dernier livre («La défaite de l’Occident», Gallimard), Emmanuel Todd en donne les raisons historiques et matérielles. L'Occident est en train d'imploser, de s'effondrer sur lui-même, de se vider de l'intérieur pour s'abimer dans le vide, fasciné qu'il est par le nihilisme.

La guerre en Ukraine en est un exemple: la Russie va gagner cette guerre parce qu'elle se bat chez elle et pour elle. C'est une démocratie autoritaire certes (qui applique la décision de la majorité sans égard pour les minorités) mais dont l'économie et la société sont stables, voire en progrès comme en témoignent sa résilience agricole et industrielle, sa production annuelle d'ingénieurs et l'amélioration constante de son espérance de vie, supérieures à celles des Etats-Unis malgré les différences de population. Nous en avons parlé plusieurs fois dans ces colonnes.
L'Ukraine, pays meurtri par Staline mais cajolé par le pouvoir communiste après 1945, s'est révélée incapable de construire un Etat stable après 1991. Elle n'a jamais réussi à se libérer de la tutelle des oligarques et de la corruption. Peu à peu, le pouvoir a été accaparé par la minorité ultranationaliste de l'Ouest (les «néo-nazis» dans la terminologie russe) et l'anarcho-militarisme du Centre suite à l'émigration massive des élites russophones et russophiles de l'Est après 2014. Ces nouvelles élites se sont gardées de le développer et d'y implanter une vraie démocratie puisque les partis d'opposition, les syndicats et les médias critiques y ont été interdits. Aujourd'hui radicalisé, le régime de Zelensky vit désormais sous perfusion et sans autre projet que sa haine de la Russie.
L'Europe de l'Est a suivi le même schéma, la guerre en moins. Les anciennes élites communistes ont passé avec armes et bagages dans le camp libéral. Elles ont juste changé de maitre, troquant Moscou et ses roubles contre les euros et les dollars de Berlin, Bruxelles et Washington. L'ami d'hier est devenu le nouvel ennemi tandis que les pays de la région se dépeuplaient pour approvisionner en main d'œuvre pas chère les usines alle...

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