Santé: et les voisins? Comment font-ils?

Le malheureux Alain Berset part, comme ses prédécesseurs, sur un aveu d’échec. Il accuse le Parlement, les groupes d’intérêts mais tient dur comme fer au système, déconseille vivement d’en changer. Avis partagé par tous les acteurs de la santé. Car en fait, comme le dit avec audace le président du Centre, Gerhard Pfister, «personne n’a vraiment intérêt à baisser les coûts». Médecins, hôpitaux, cantons, assurances, tout un monde tire profit, à hue et à dia, du colosse tel qu’il fonctionne aujourd’hui. Seuls les assurés contraints de payer râlent, s’indignent. En vain.
Se gargariser dans la conviction d’avoir «le meilleur réseau de soins du monde» – ce qui reste à prouver – ne suffit plus à justifier le statu quo. Le plus cher en tout cas en Europe. Comment cela se passe-t-il dans des pays plus ou moins comparables par la taille et le fonctionnement démocratique? Comme l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et d’autres.
Les systèmes diffèrent. Caisse unique ici, là caisses locales ou associatives régies par la loi. Partout existe aussi la possibilité de compléter l’assurance de base par des complémentaires. Mais toujours, quelques principes posent le cadre. Et ils diffèrent des nôtres.
Partout les assurés paient en fonction de leurs revenus. Quasiment partout les employeurs ajoutent une contribution à celle des salariés, comme cela se passe chez nous pour l’AVS. Partout les pouvoirs publics, à quelque échelon que ce soit, ont pleinement la main sur la machine. Dans le cas, comme celui de l’Autriche par exemple, où il existe de nombreuses caisses locales et professionnelles, la loi définit strictement les règles de fonctionnement. Pas question de les voir s’affronter à coup de marketing, de voir leurs patrons s’attribuer des rémunérations de ministres, pas question de les laisser gérer leurs réserves à leur guise. La concurrence entre elles est un leurre, une aberration.
Caisse unique ou pas, caisse publique ou pas, ce n’est pas forcément le débat. L’urgence est d’amener le principe de justice sociale: chacun paie selon ses moyens. Il est intolérable que la femme de ménage débourse la même prime de base que le milliardaire. Ensuite, pour une vraie sécurité sociale, envisager une contribution de l’employeur. On entend déjà les hauts cris!
Enfin un détail qui n’en est pas un. Partout autour de nous, l’assurance de base couvre les soins dentaires et les lunettes. Quand on voit tant de gens renoncer au dentiste faute de moyens, la Suisse n’a pas de quoi être trop fière de son système.
Ce propos élémentaire, on ne l’entend pas. Nous restons le nez collé sur la machine grinçante sans songer qu’elle pourrait être revue de fond en comble. La gauche préfère soutenir l’initiative «Maximum 10% du revenu pour les primes d’assurance-maladie». Quelques rares voix socialistes commencent à demander enfin que ces primes soit fixées en fonction du revenu. Elles ne sont guère relayées. Pourtant si l’on y songe, ce serait le moyen de soulager enfin les classes moyennes, les plus affectées, le moyen de faire payer une contribution même minime, même symbolique, aux plus défavorisés. Alors qu’aujourd’hui, cantons et Confédération doivent totalement prendre en charge les coûts d’assurance-maladie pour un habitant sur quatre, parfois un sur trois. Rien que pour les cantons romands, 2,8 milliards à cette fin! Au bout du compte, avec les contributions augmentées des plus aisés, les budgets publics pourraient bien sortir gagnants de la petite révolution.
Bien sûr il s’agit aussi de réformer, outre l’assurance, le fonctionnement-même de la galaxie des soins. Eviter les visites médicales qui doublonnent, contenir les prix excessifs des médicaments, etc… On connaît tous ces vœux raisonnables jamais réalisés du fait d’un Parlement paralysé par les lobbies antagonistes et manipulateurs. Sur ce terrain aussi, aller voir ailleurs comment les autres se débrouillent ferait du bien à tous les discoureurs patentés qui opposent, chacun pour soi, leurs prétendues solutions et finalement laissent tout en place. Jusqu’à la prochaine explosion de colère.
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