Édition du 19 décembre 2025

Politique

Rogner les libertés au nom de la démocratie

Jacques Pilet

Il se lève, en Europe, une vague de fond, peu bruyante, qui néanmoins atteint au cœur ce à quoi nous tenons tant: la liberté d’expression. Partout, les Etats concoctent des appareils de surveillance des propos qui courent. Nous avons parlé ici des tracasseries policières et judiciaires — surtout en Allemagne et en Grande-Bretagne — visant toute déviance du récit dominant sur Gaza, Israël, l’Ukraine et la Russie. Le dernier épisode est d’une portée extraordinaire: un spécialiste suisse des relations internationales vient d’être sanctionné par l’UE.

La nouvelle a été donnée par les médias traditionnels dans les termes du communiqué, sans aucune réelle ouverture au débat que la mesure appellerait. Les réseaux sociaux, en revanche, bruissent de toutes parts. Nombre de particuliers s’étonnent, s’interrogent. Mais sans relais publics.
Jacques Baud, ex-colonel suisse des services de renseignement, ex-expert de l’ONU, ex-délégué auprès de l’OTAN, est une célébrité dans le monde du Net. Il a consacré plusieurs livres à la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Sa particularité? Il ne se base que sur des sources américaines et ukrainiennes, il n’a aucun lien, direct ou pas, avec le Kremlin. On peut contester tel ou tel point de son discours, regretter telle ou telle omission, mais la qualité de ses analyses est impressionnante. Basées sur un connaissance approfondie de l’histoire, des origines du conflit, des mécanismes qui ont conduit à la tragédie et l’impasse actuelles. Son large public, dans les espaces francophones et anglophones, apprécie ce regard qui interroge le discours officiel et simpliste.
Or les ambassadeurs auprès de l’Union européenne viennent de le sanctionner, avec 19 autres personnalités: accusé d’avoir diffusé de la propagande et des théories du complot pour le compte du Kremlin depuis l’invasion de l’Ukraine. Avec interdiction de séjour sur le territoire de l’Union — alors qu’il habite Bruxelles — et blocage de ses comptes bancaires. Cette procédure administrative ne prévoit aucun recours possible ni même la possibilité, pour la personne ainsi poursuivie, de se faire entendre. Que cette violation de tous les principes de la justice n’ait suscité aucun commentaire des autorités helvétiques est choquant. Même si elles ne reprendront probablement pas les sanctions décrétées à Bruxelles.
Voilà qui augure fort mal d’un projet récent du Conseil fédéral. Sous la houlette du Département de la défense, un organisme va être créé pour lutter contre la «désinformation», les «ingérences extérieures» et les fameuses «fake news».
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