Publié le 24 janvier 2021

Faudra-t-il bientôt un «passeport vaccinal» pour passer les frontières en Europe? – © DR

Certains ministres européens proposent de limiter les déplacements «non-essentiels» à l'intérieur du continent ou d'introduire l'obligation d'un «passeport vaccinal».

Effet collatéral du virus: il donne le vertige aux dirigeants politiques. Devant les menaces de ses mutations diverses, c’est à qui proposera les mesures les plus dures. Le premier ministre grec a proposé à ses collègues de l’UE d’introduire au plus vite l’obligation d’un «passeport vaccinal» pour passer les frontières intérieures du continent. On lui a fait remarquer qu’il faudra de longs mois pour que les populations soient largement vaccinées et que les produits utilisés, s’ils protègent la personne qui s’est fait piquer, n’empêchent pas à coup sûr la transmission du virus. Va-t-on vers une discrimination entre les gens pressés et les retardataires? Mais voyez, nous objecte-t-on, certains pays exigent la vaccination contre la fièvre jaune! Nuance: cette maladie tropicale, lorsqu’elle se déchaîne, tue infiniment plus que la Covid-19 et dans toutes les tranches d’âge.

L’idée s’installe: il y aura à l’avenir les «bons» citoyens acquis à Pfizer et Moderna, et les «coupables» qui se posent encore des questions sur cette solution-miracle.

Le premier ministre belge a une autre idée: interdire les voyages «non-essentiels». Qui tranchera? Les Etats bienveillants, si attentifs déjà à trier nos besoins et nos envies, à encadrer nos libertés ratatinées. La présidente de la Commission européenne est allée dans ce sens. Elle déconseille vivement les déplacements touristiques. Travailler à travers les frontières, faire circuler les camions, d’accord, mais aller prendre l’air dans le pays voisin, non! Quant à la chancelière allemande, elle fronce aussi les sourcils. Son discours en résumé: si vos chiffres sont plus mauvais que les nôtres, n’entrez pas, on tirera le rideau.

On peut discuter à l’infini de l’efficacité de ces propositions pour enrayer la pandémie. Mais quoi qu’il en soit, il est permis de s’interroger sur ce qu’elles disent de nos mentalités. Se raccrocher aux frontières dans les moments de désarroi, c’est si rassurant. Comme désigner le Bien et le Mal, dans une époque où la religion et les vieilles idéologies qui s’en chargeaient autrefois sont aujourd’hui essoufflées.

Ainsi donc, le tourisme, c’est mal. Que ce soient des Grecs qui le disent alors qu’ils en vivent, que ce soient des Belges, imbriqués plus que d’autres dans leurs voisinages qui le prétendent, c’est un comble! Puissent les Suisses, qui vivent si largement de leurs échanges humains et économiques internationaux, ne pas les rejoindre. Passeport vaccinal, obligation des tests, tri des motivations du déplacement… Tous ces blocages, déjà instaurés ou à venir, tournent à la frénésie. On peut y voir comme une pulsion… suicidaire. Pour limiter le nombre des morts, surtout de vieilles personnes déjà malades qui sont effectivement à protéger, on est prêt à étouffer une foule d’activités, à plonger dans la détresse économique, à refuser des visiteurs non conformes, à s’enfermer à la maison, à renoncer aux fêtes, à se priver d’évasions. Tout cela dessine un portrait sinistre de notre société.

Les Européens d’autrefois, ceux d’avant 1914 qui sillonnaient le vieux continent sans même un pièce d’identité rient de nous du fond de leurs tombes.


Cet article paraît simultanément sur le site de nos confrères tessinois de il Caffé 

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Culture

Stands de spritz et pasta instagrammable: l’Italie menacée de «foodification»

L’explosion du tourisme gourmand dans la Péninsule finira-t-elle par la transformer en un vaste «pastaland», dispensateur d’une «cucina» de pacotille? La question fait la une du «New York Times». Le débat le plus vif porte sur l’envahissement des trottoirs et des places par les terrasses de bistrots. Mais il n’y (...)

Anna Lietti
Santé

L’histoire des épidémies reste entourée de mystères et de fantasmes

Les virus n’ont pas attendu la modernité pour bouleverser les sociétés humaines. Dans un livre récent, les professeurs Didier Raoult et Michel Drancourt démontrent comment la paléomicrobiologie éclaire d’un jour nouveau l’histoire des grandes épidémies. De la peste à la grippe, du coronavirus à la lèpre, leurs recherches révèlent combien (...)

Martin Bernard
Politique

A confondre le verbe et l’action, on risque de se planter

De tout temps, dans la galerie des puissants, il y eut les taiseux obstinés et les bavards virevoltants. Donald Trump fait mieux. Il se veut le sorcier qui touille dans la marmite brûlante de ses colères et de ses désirs. Il en jaillit toutes sortes de bizarreries. L’occasion de s’interroger: (...)

Jacques Pilet
Philosophie

Notre dernière édition avant la fusion

Dès le vendredi 3 octobre, vous retrouverez les articles de «Bon pour la tête» sur un nouveau site que nous créons avec nos amis d’«Antithèse». Un nouveau site et de nouveaux contenus mais toujours la même foi dans le débat d’idées, l’indépendance d’esprit, la liberté de penser.

Bon pour la tête
Politique

Les fantasmes des chefs de guerre suisses

Il arrive que le verrou des non-dits finisse par sauter. Ainsi on apprend au détour d’une longue interview dans la NZZ que le F-35 a été choisi pas tant pour protéger notre ciel que pour aller bombarder des cibles à des centaines, des milliers de kilomètres de la Suisse. En (...)

Jacques Pilet
PolitiqueAccès libre

PFAS: un risque invisible que la Suisse préfère ignorer

Malgré la présence avérée de substances chimiques éternelles dans les sols, l’eau, la nourriture et le sang de la population, Berne renonce à une étude nationale et reporte l’adoption de mesures contraignantes. Un choix politique qui privilégie l’économie à court terme au détriment de la santé publique.

Politique

L’identité numérique, miracle ou mirage?

Le 28 septembre, les Suisses se prononceront à nouveau sur l’identité numérique (e-ID). Cette fois, le Conseil fédéral revient avec une version révisée, baptisée «swiyu», présentée comme une solution étatique garantissant la souveraineté des données. Mais ce projet, déjà bien avancé, suscite des inquiétudes quant à son coût, sa gestion, (...)

Anne Voeffray
Politique

Démocratie en panne, colère en marche

En France, ce n’est pas tant le tourniquet des premiers ministres et la détestation de Macron qui inquiètent, c’est le fossé qui se creuse entre la société et le cirque politicien, avec son jeu d’ambitions qui paralyse le pays. Le tableau n’est guère plus réjouissant en Allemagne, en Grande-Bretagne, en (...)

Jacques Pilet
Politique

Le voyage chahuté d’Ursula

Il est fait grand bruit autour d’une fable alarmiste, d’un incident minuscule lors du vol de la présidente de la Commission européenne entre la Pologne et la Bulgarie: la perturbation du GPS attribuée à la Russie et facilement surmontée comme cela est possible sur tous les avions. Quasiment rien en (...)

Jacques Pilet
EconomieAccès libre

Nos médicaments encore plus chers? La faute à Trump!

En Suisse, les médicaments sont 50 à 100 % plus coûteux que dans le reste de l’Europe. Pourtant, malgré des bénéfices records, les géants suisses de la pharmaceutique font pression sur le Conseil fédéral pour répercuter sur le marché suisse ce qu’ils risquent de perdre aux Etats-Unis en raison des (...)

Christof Leisinger
Politique

Le trio des va-t-en-guerre aux poches trouées

L’Allemand Merz, le Français Macron et le Britannique Starmer ont trois points communs. Chez eux, ils font face à une situation politique, économique et sociale dramatique. Ils donnent le ton chez les partisans d’affaiblir la Russie par tous les moyens au nom de la défense de l’Ukraine et marginalisent les (...)

Jacques Pilet
PolitiqueAccès libre

Microsoft s’enrichit sur le dos des Palestiniens

Selon des révélations étayées par des sources issues de la multinationale américaine et des services secrets israéliens, un cloud spécial a été mis en place pour intercepter les communications de millions de Palestiniens. Des données qu’Israël utilise pour mener sa guerre de représailles ethniques dans la bande de Gaza et (...)

Bon pour la tête
Politique

La géopolitique en mode messianique

Fascinés par le grand jeu mené à Anchorage et Washington, nous avons quelque peu détourné nos regards du Moyen-Orient. Où les tragédies n’en finissent pas, à Gaza et dans le voisinage d’Israël. Où, malgré divers pourparlers, aucun sursis, aucun accord de paix ne sont en vue. Où un nouvel assaut (...)

Jacques Pilet
PolitiqueAccès libre

Pourquoi les Etats-Unis n’ont-ils pas encore interdit TikTok?

L’an passé, le congrès américain a décidé que le réseau social devait être interdit s’il restait en mains chinoises, ceci afin d’éviter que les données des étatsuniens soient récupérées par Pekin. Il s’agissait prétendument d’une question de «sécurité nationale». Mais le président Trump a pour la troisième fois reporté l’interdiction, (...)

Urs P. Gasche
Politique

Les Européens devant l’immense défi ukrainien

On peut rêver. Imaginons que Trump et Poutine tombent d’accord sur un cessez-le-feu, sur les grandes lignes d’un accord finalement approuvé par Zelensky. Que feraient alors les Européens, si fâchés de ne pas avoir été invités en Alaska? Que cette hypothèse se confirme ou pas, plusieurs défis controversés les attendent. (...)

Jacques Pilet
Culture

Des nouvelles de la fusion de «Bon pour la tête» avec «Antithèse»

Le nouveau site sera opérationnel au début du mois d’octobre. Voici quelques explications pour nos abonnés, notamment concernant le prix de l’abonnement qui pour eux ne changera pas.

Bon pour la tête