«Vous pouviez être la solution, vous avez choisi d’être le problème»

Publié le 17 décembre 2021

Pancarte anti-vaccination lors d’une manifestation pro-Trump, le 12 décembre 2020 à Washington. – © Elvert Barnes

Après une année de discussions et de polémiques provoquées par les campagnes vaccinales et les innombrables restrictions engendrées par la pandémie, la majorité de la population vaccinée n'en peut plus de l'activisme des opposants. Exemple choisi dans le «New York Times».

«Je suis furieux contre les non-vaccinés, et n’ai aucune gêne à le dire. Je ne cherche plus à les comprendre ni à les raisonner. Les masques sont tombés. La seule raison que j’accepte encore pour rester non-vacciné est la contre-indication médicale». Charles Blow est chroniqueur au New York Times, le quotidien de la Grosse Pomme largement considéré comme l’une des références les plus sérieuses et informées de la grande presse américaine. C’est une opinion qu’il exprime dans les pages «débats» du journal. Son radicalisme, son absolutisme est la conséquence du durcissement des fronts dans la discussion sur la pandémie, la lassitude d’un nombre croissant de personnes, en Suisse aussi bien qu’aux Etats-Unis, qui se lit dans la progression des taux par personnes vaccinées, dans les sondages et, en Suisse, dans la progression du soutien à la loi covid lors du second référendum du mois dernier par rapport au premier, celui de juin.

Irresponsabilité et égoïsme

Dans une démocratie, le questionnement, le doute, la vérification sont les bases intangibles du débat, la base de la liberté et de son maintien. La Suisse, plus que tout autre pays, en a administré la preuve, par les deux votations populaires sur le sujet. Mais le débat à la base de cette démocratie si exemplaire doit répondre à deux exigences: l’honnêteté de l’argumentation et le respect de l’avis de l’autre. Or, cette double exigence semble avoir été largement oubliée de la part de la minorité toujours plus réduite des opposants au vaccin. Non seulement ils se sont répandus en mensonges crasses sur l’existence du virus, puis (lorsque ce n’était plus possible), sur la sécurité des vaccins autorisés dans les pays occidentaux, puis (lorsque les preuves du contraire étaient irréfutables), sur la «défense de leur liberté personnelle», comme si le fait de livrer son épaule à une seringue était une atteinte aux droits fondamentaux, de la même nature qu’un manifestant birman ou soudanais mitraillé par une armée putschiste. Ces défenseurs autoproclamés des «libertés» oublient par ailleurs l’autre moitié de «la» liberté: la responsabilité. Non seulement vis-à-vis de leur petite personne, mais aussi, et surtout vis-à-vis des autres, de la société dans tous ses composants.

Ils ont pu intervenir de manière plus insidieuse, en multipliant les fausses informations, ou les informations tronquées, sur les réseaux sociaux, polluant le débat de leurs mensonges. Par exemple en s’intéressant – quel hasard! – au bilan carbone de la fabrication des vaccins. Excellente question au demeurant, mais pourquoi, diable, ne pas l’avoir posée plus tôt, notamment dans le cadre de la fabrication de médicaments anticancéreux, de somnifères ou d’anxiolytiques, dont le volume est bien plus important (et rémunérateur pour Big Pharma) que celle d’un vaccin? Cette multiplication de faux signaux a créé un «bruit» tel qu’il a égaré même les esprits apparemment les plus à même de porter un jugement éclairé, comme certains médecins et journalistes. «On entend tout et n’importe quoi! Qui croire?» a-t-on pu entendre. Or, on le sait, la création de la confusion est l’une des stratégies les plus efficaces pour saper la crédibilité d’un message simple, en l’occurrence l’injonction à se faire vacciner.

Assumer les conséquences

Entre-temps, le nombre de personnes qui ont fini aux soins intensifs, malades sur la longue durée, voire décédées, n’a cessé de croître, et un virus qui profite de l’espace qui lui est encore offert pour croître, se multiplier et muter, pose à chaque fois des défis existentiels à la planète. Et pour tenter de limiter cette hécatombe, les gouvernements ne cessent de prendre des décisions parfois sensées, parfois absurdes, limitant effectivement les libertés individuelles, qui ont pour effet d’approfondir les divisions dans la société.

Face à tant d’irresponsabilité, tant d’égoïsme de la part des opposants aux vaccinations, comment ne pas comprendre la profonde lassitude de Charles Blow? «Vous aviez le choix de faire partie de la solution ou de faire partie du problème. Vous avez choisi de faire partie du problème». Très juste. Et quand on choisit d’être partie du problème plutôt que de la solution, on en assume les conséquences. Il ne faut donc pas pleurer lorsqu’on se trouve effectivement confiné alors que les vaccinés peuvent à peu près faire ce qu’ils veulent: parce que ces derniers assument, eux, les conséquences de leurs actes.


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