Vers un ministère de la Vérité?

Publié le 10 décembre 2021
Quelques politiciens perdent leur sang-froid. Ils plaident pour des sanctions contre les diffuseurs de fausses informations.

Traduction d’un article de Rainer Stadler paru sur Infosperber


L’imbroglio quotidien de faits, d’affirmations et d’opinions sur la pandémie de coronavirus est de plus en plus tendu. Quelques politiciens veulent désormais faire preuve de plus de lucidité. Y compris avec le code pénal. 20 Minuten a cité mercredi la conseillère nationale Greta Gysin (Verts): «Nous avons besoin de mesures pénales pour demander des comptes aux auteurs de fake news». Selon elle, quiconque produit et diffuse volontairement de fausses informations doit en être responsable. Gysin est vice-présidente de la Commission des institutions politiques du Conseil national.

La conseillère nationale PS Edith Graf-Litscher, active dans la politique des médias, est du même avis. Elle a déclaré à 20 Minuten qu’il fallait des règles de transparence pour que les diffuseurs de fake news puissent être identifiés et tenus de rendre des comptes. Le conseiller national PS Jon Pult veut quant à lui lancer une initiative parlementaire visant à infliger des amendes aux plates-formes qui diffusent de fausses informations.

Les idées de ces représentants du peuple cités sont effrayantes. Aussi folles que puissent être certaines déclarations qui circulent sur les marchés de la communication, une identification des contre-vérités par les autorités est extrêmement dangereuse. Les tentatives en ce sens développent rapidement leur propre dynamique et conduisent tôt ou tard à des restrictions considérables de la liberté d’expression. Les bases d’un ministère de la vérité seraient ainsi posées.

De plus, il n’est guère possible d’accuser les auteurs de représentations du monde plutôt bizarres d’avoir des intentions malveillantes. Et les forces subversives qui veulent saper l’ordre social par de fausses informations disposent de toute façon de la capacité de communication nécessaire pour cacher leurs buts.

On peut en outre se demander si les fausses informations ont un tel effet corrosif. Malgré toutes les absurdités que l’on peut rencontrer sur le marché réel de la communication en Suisse, la politique et l’économie fonctionnent plutôt bien dans ce pays.

Les représentants du peuple susmentionnés s’engagent également en faveur de la future loi sur les médias, qui doit apporter une aide étatique supplémentaire aux médias locaux et qui sera soumise au vote en février prochain. Avec leurs idées pour une pénalisation des fake news, les politiciens renforcent les craintes des opposants au paquet d’aide — à savoir que l’aide publique aux médias débouche finalement sur un renforcement du contrôle des médias.

Qui veut prendre des mesures préventives contre la désorientation par les fake news devrait porter son attention sur d’autres domaines: sur une politique économique qui crée des emplois suffisants et de bonne qualité et intègre ainsi toutes les forces sociales; sur une politique de formation qui permette à tous de distinguer le substantiel du futile; et sur une politique de concurrence qui empêche les monopoles d’opinion entravant la transparence.

Par ailleurs, la légitimité des règles juridiques de protection de la personnalité reste incontestée — elles constituent, tout comme la liberté d’expression, un fondement des Etats de droit démocratiques.

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