Triptyque autour de la place du «il» en terrain hostile – Volet 2

Publié le 8 avril 2022
LGBTQXophobie ou patriarcophobie, le nouveau racisme? ainsi s’intitule le 2ème volet de cette exploration sur la condition de l’homme aujourd’hui. Une nouvelle religion est née, celle du progressisme, dont l'idéologie est monochrome et normative. Vouloir détruire l'image du père, est-ce une crise de spiritualité ou d'adolescence?

En préambule, si vous avez besoin d’un traducteur pour comprendre certains mots qui vont suivre, la Tribune de Genève a récemment eu la gentillesse de nous dresser un lexique féministe pour penser les inégalités femmes-hommes. Ce qui tombe bien, car à force de masturbation intellectuelle, propagande logorrhéique et besoin de réinventer la roue, il y a de quoi en perdre son français. 

Pour aller plus loin dans l’analyse initiée la semaine dernière dans le volet 1, j’ai continué à lire les articles récents sur la question. Ils sont pléthore et, parfois éclairants. Comme «Le nouveau féminisme à l’épreuve de la Coop d’Onex» signé Marc Bretton pour la Tribune de Genève. Il a pris le temps de questionner les passants sur les tarifs spéciaux pour les femmes, lancés en février par la ville de Genève. Le billet d’entrée aux manifestations culturelles et sportives coûte 20% moins cher si on est une femme, en réponse aux inégalités salariales. Autre sujet abordé, la mixité choisie (sans homme cisgenre comme cela avait été proposé dans une ludothèque du canton). Le journaliste a également cherché à savoir si la population est au clair sur les sexualités alternatives et les lettres LGBTQIA et, enfin, s’il faut changer la langue française, notamment avec l’usage du pronom neutre «iel». Les réponses peuvent surprendre car elles ne sont pas «tendance». 

Le mois de mars n’a pas vu fleurir que les pâquerettes, dans la Tribune de Genève, encore, le linguiste Pascal Gygax, codirecteur de l’Unité de psycholinguistique et de psychologie sociale appliquée de l’Université de Fribourg déclarait «La langue est façonnée par notre société androcentrée, c’est-à-dire centrée sur les hommes, dans laquelle ils s’érigent comme la valeur par défaut ou dominante. L’androcentrisme est une idéologie, au même titre que le patriarcat». Questionné sur la réceptivité des jeunes face aux évolutions de langage, il confirmait que oui, ils sont plus réceptifs et constate que «les enfants cherchent des outils, se demandent comment agir en faveur de l’égalité». Fin mars, on pouvait lire dans le FEMINA «En cette année 2021-2022, qui réunit 91’000 jeunes sur les bancs de l’école obligatoire vaudoise, près de 1’800 élèves sont potentiellement trans, non-binaires ou en questionnement». Et le média de questionner – est-ce un effet de mode? Adèle Zufferey, psychologue et sexologue interrogée pour les besoins de cet article répond ainsi: 

«C’est vrai qu’on voit plus de jeunes LGBTIQ, mais c’est parce que ces questions sont plus médiatisées, dès lors, les jeunes se permettent plus facilement de parler tôt de leur homosexualité ou de leur transidentité.»

Le Département de la formation (DFJC) a lancé la rentrée dernière, une initiative pionnière en Suisse romande. Un plan d’action afin de lutter contre l’homophobie et la transphobie dans les lieux de formation vaudois des scolarités obligatoire et postobligatoire. Pour Caroline Dayer, déléguée départementale aux questions d’homophobie et de transphobie au Secrétariat général du DFJC, ce plan d’action est un souhait pour «remédier au manque de reconnaissance, aux violences et au silence». Selon elle, le but est de «garantir un environnement d’apprentissage et de travail exempt de discriminations et respectueux de l’ensemble des personnes». Vraiment? Donc une jeune fille de 13 ans, qui ne se poserait pas encore de question sur son orientation sexuelle, et qui en serait encore au stade de trouver les bisous avec la langue répugnants, devrait avoir le droit de le verbaliser. Sauf que Marina, mère de deux filles de 13 et 15 ans, rapporte que dans leur école, la mode auprès de certains groupes de filles est d’être pan (qui signifie tout). Celles qui émettent des réserves ou expliquent que ce n’est pas leur truc sont questionnées, jugées «pas cool». 

Dans un article publié le 30 mars, dans le 20 minutes, il était question de la thèse d’un doctorant sur l’homophobie. Selon lui, l’école doit jouer un rôle pour contrebalancer l’éducation des parents. Son interprétation des résultats souligne un lien entre les attitudes des parents et les «microagressions homonégatives» et autres comportements hostiles chez les jeunes. Le niveau de religiosité aurait un impact sur les comportements hostiles vis-à-vis de la communauté LGBT. Le passé migratoire jouerait aussi un rôle négatif. 

L’étude dont il est question s’est concentrée sur des jeunes de 13 à 15 ans dont il ne faudrait pas ignorer la propension à l’insulte facile, sans pour autant la prendre pour dénigrement comptant. Les moqueries ne devraient jamais être encouragées, d’ailleurs à ma connaissance elles ne le sont pas, le corps enseignant ne peut pas tout entendre, mais intervient lorsqu’une situation est portée à sa connaissance. Entre les remarques sur le poids, l’acné, et le goût vestimentaire, ils ont de quoi faire. Simplement on s’émeut moins face à un garçon cisgenre introverti qui serait sujet aux railleries.

Alors en 2022, qui sont les intolérants?

J’ai moi aussi mené l’enquête. Toutes les personnes interrogées ont déclaré n’avoir aucun problème avec qui que ce soit. Ce sont ceux qui se disent discriminés qui s’enferment eux-mêmes dans des cases. Le vrai «vivre ensemble» est le vœu pieu d’une majorité de la population, mais ce n’est pas ce qui est prôné dans la propagande progressiste qui a besoin de coupables à accabler pour tous les maux de la société. On retombe à nouveau dans le triangle victime, bourreau, sauveur. Et si le sauveur n’était pas Caroline Dayer mais se trouvait en chacun de nous? S’il nous appartenait de réellement tous cohabiter sans se juger? La véritable inclusion se produit quand on ne la soulève même plus, car les extrêmes se rencontrent, trop d’inclusion favorise l’exclusion. Il y a quelques jours, un ami juriste me disait «Si je devais commencer à désigner mes potes d’origine étrangère en disant – Mon copain Mehdi qui est tunisien et musulman – c’est là que j’aurais l’impression de le stigmatiser. Pour moi il est un être complet qui ne se définit pas par sa seule origine ou religion. Or je ne me pose même plus ces questions. Quand je parle de Mehdi, je le désigne par son prénom, j’évoque parfois son métier ou les loisirs que je partage avec lui. Il est mon ami, c’est tout ce qui compte». 

J’en ai profité pour aborder avec lui deux articles du code pénal, car à l’instar de la société et du dictionnaire, il évolue et, personne ne nie que l’évolution de notre société peut aussi avoir du bon. La nécessité de réformer le droit pénal relatif aux infractions sexuelles a largement été admise lors de la consultation qui a pris fin le 10 mai 2021. Il faut reconnaître que la définition du viol en droit suisse est singulière. L’article 190 al. 1 CP dispose que «Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel, sera puni d’une peine privative de liberté de un à dix ans.» Ce qui signifie que tout acte d’ordre sexuel autre que la pénétration «classique» ou contraignant une personne de sexe non-féminin, ne relèverait éventuellement que de la contrainte sexuelle (art. 189 CP) ce qui ne garantit pas la prison.

L’article 261 bis lui, a déjà été modifié le 1er juillet 2020. La norme pénale antiraciste est devenue Discrimination et incitation à la haine qui permet de punir quiconque inciterait publiquement à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle.

Mais rien n’y fait, l’homme a beau contribuer à réviser les lois et le système scolaire, ça ne suffit pas. Il est responsable de l’anémie des femmes (une accusation qui pourrait faire rire, mais qui est pourtant véridique et sourcée ici), du pourcentage moins élevé de femmes hétérosexuelles ayant des orgasmes réguliers (66% contre 95% des hommes dixit le documentaire «Les principes du plaisir» sur Netflix). Femmes qui d’ailleurs sont les premières victimes du dérèglement climatique dont le responsable est le patriarcat.

L’affirmation de soi passe-t-elle forcément par la haine de l’autre?

Afin de comprendre si l’humanité veut tuer le père car elle est en crise d’adolescence ou si c’est la dimension spirituelle qui est attaquée, j’ai discuté avec un homme d’église. «Jusqu’ici, la notion d’homme englobait la femme, mais si nous n’avons plus une vue unifiée, cela devient une crise de spiritualité et, si la représentation du père ne tient plus, alors tout devient crise. Ce n’est pas que l’image du père qui est atteinte, mais celle du patriarche» m’expliquait le prêtre. Quand on remonte à l’étymologie du mot patria – lignée, famille, race, tribu, au sens plus large peuple, nation, on comprend que ce sont tous nos fondements qui vont mâles. «Autrefois, les aînés incarnaient la sagesse, nul besoin de parler, leur seule présence suffisait à nous conditionner et nous pousser vers ce qui est honorable. Mais cette perte de repère permet de s’autodéterminer comme on veut. Dans le monde actuel, on préfère demander à mourir dans la dignité plutôt que vieillir dans la dignité» constatait-il, confirmant que «les gens ne peuvent plus exister de manière authentique, le fake devient le lieu de la vérité».

En 2022, on ne prend surtout plus conseil auprès du curé du village, ni de notre grand-mère, divin Google et Saint TikTok sont là pour éclairer les brebis égarées. On confie tout aux spécialistes, on leur donne le devoir et le pouvoir de réfléchir pour nous. Mais à force de laisser le champ libre à une idéologie unipolaire, à la culture identitaire, la majorité finit par se faire dominer par la minorité. C’est antidémocratique et pourrait bien nous faire basculer dans une dictature qui ne dit pas son nom. 

Mais ce n’est pas une fatalité, les situations chaotiques nous permettent de mettre de l’ordre. C’est dans les fragilités que le meilleur de nous-même se donne à voir. A chacun de nous d’œuvrer pour le révéler. 

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