Publié le 9 juillet 2021
Seules quelques lignes dans les journaux en ont parlé: des fermetures d’hôpitaux ont lieu en Suisse malgré le COVID. Ça se passe sans faire les gros titres, sans faire de vagues non plus, sans soulever l’indignation. Pourtant, des centaines d’emplois disparaissent, ainsi que des lits dits «d’urgence», si importants durant la pandémie. Et ce n’est pas terminé.

Le See-Spital, situé sur la rive gauche du lac de Zurich, est né il y a une dizaine d’années de la fusion des deux hôpitaux Sanitas Kilchberg et Zimmerberg Horgen. En tant qu’hôpital régional avec un mandat de formation, il emploie plus de 1000 personnes pour fournir une prestation 24h/24h à la population. Les rumeurs circulent depuis des années selon lesquelles le See-Spital pourrait fermer son site. C’est aujourd’hui le cas, les responsables ont informé la semaine dernière le personnel de la fermeture et des prochaines étapes. La direction de l’hôpital a ainsi confirmé les rumeurs.

Le gouvernement de Saint-Gall a adopté la stratégie « 4plus5 » en février 2020. Les quatre sites hospitaliers d’Uznach, Grabs, Wil et St-Gall seront conservés, tandis que cinq autres − Wattwil, Flawil, Rorschach, Altstätten et Walenstadt − seront transformés en «centres de santé». Actuellement, leur déficit structurel annuel est de 70 millions de francs.

Le 26 avril de cette année, l’association des hôpitaux d’Appenzell Rhodes-Extérieures (SVAR) annonçait la fermeture de l’hôpital de Heiden pour fin 2021. Cent-trente employés devraient perdre leur emploi. Comme pour le  See-Spital, cette fermeture ne serait pas une surprise puisque le gouvernement et l’association des hôpitaux nous expliquent que la pression économique s’accroît depuis des années. L’hôpital de Heiden propose des services de chirurgie et d’orthopédie, de médecine interne, d’anesthésie, une clinique gynécologique, un service de surveillance interdisciplinaire et un «service d’urgence 24h/24h». Détail piquant dans la communication de l’association des hôpitaux: «Le taux d’occupation des lits étaient « constamment trop faibles » pour permettre un fonctionnement économique des trois sites. En outre, la pandémie de Corona combinée à des tarifs qui ne couvrent pas les coûts a conduit à une « aggravation accélérée des difficultés financières. »»

La situation en Suisse romande

Le 6 mars 2020, une semaine avant le début de la pandémie, la nouvelle présidente du conseil d’administration de l’hôpital cantonal de Fribourg, Annamaria Müller, a annoncé qu’au cours des dix prochaines années, l’Hôpital de Fribourg (HFR) devra faire des économies massives. «L’évolution de la médecine, l’augmentation du coût des médicaments et traitements, la pénurie de personnel et les exigences toujours grandissante» en sont les raisons. Ce qui a amené Mme Müller à annoncer que dans le futur proche, un grand hôpital central doit être construit dans le canton de Fribourg, tandis que quatre sites plus petits doivent être fermés. Cela a déjà commencé: les soins palliatifs de Meyriez seront arrêtés au profit d’un centre de compétences à la villa Saint-François, tandis que le service de réadaptation cardio-vasculaire est déplacé de Billens à Meyriez. Les services d’urgences de Riaz et Tavel sont fermés durant la nuit depuis l’an dernier. La tragédie ne s’est pas faite attendre: en août dernier, une femme est décédée devant les portes verrouillées des urgences de Tavel, faute d’avoir reçu des soins à temps. Ignorant que le service était fermé la nuit, son compagnon a tenté tant bien que mal de crier et de klaxonner pour que quelqu’un lui vienne en aide. Le personnel soignant l’a finalement entendu et a tenté une réanimation, en vain. Une initiative populaire cantonale «Pour des Urgences hospitalière publiques 24/24 de proximité» a recueilli douze milles signatures, soit le double de ce qui est nécessaire. Elles ont été déposées le mois dernier à la Chancellerie de l’Etat de Fribourg. Un vote populaire aura donc lieu.

Mise à part du canton de Fribourg, la discussion en Suisse romande est différente qu’en Suisse alémanique. Les hôpitaux font partie du service public et ont le droit de coûter quelque chose. Ils reçoivent une compensation beaucoup plus importante pour les services d’intérêt économique général, comme la recherche ou un parc hospitalier bien entretenu. Les hôpitaux ne subissent donc pas une pression aussi forte sur les coûts. Mais la centralisation des soins est aussi en cours en Romandie. Souvenons-nous 2019, l’ouverture de l’hôpital Riviera-Chablais (HRC) entraina la fermeture des hôpitaux de Vevey (Samaritain et Providence), Montreux et Aigle.

Qui finance les hôpitaux?

Depuis 2012, le nouveau financement hospitalier repose sur des forfaits par cas qui visent à harmoniser la facturation des séjours en hôpital dans toute la Suisse. Chaque maladie correspond à un certain tarif uniforme dans tout le pays. Ce prix est ensuite ajusté en fonction de divers critères propres aux hôpitaux (masse salariale, investissements, loyers). La facture totale est prise en charge à hauteur de 45% par la caisse maladie et 55% par le canton.

Ces dernières années, le Conseil fédéral a déjà pris différentes mesures pour réduire la hausse des coûts de la santé, notamment en ce qui concerne le prix des médicaments, le tarif médical Tarmed ou la liste des moyens et appareils (LiMA). Mais jamais il a parlé ouvertement de la réduction du parc hospitalier.

Le futur du domaine hospitalier

Revenons à janvier 2020, où les experts disaient encore haut et fort que la Suisse a trop d’hôpitaux. En d’autres termes, ils ont trop de lits. Au total, il y a plus de 23 000 lits disponibles pour les patients en Suisse. Les experts prévoient qu’environ un dixième des hôpitaux et un quart des lits d’hôpitaux disparaîtront dans les années à venir. Selon eux, 28 hôpitaux pourraient être fermés au cours des prochaines années. Le nombre de lits sera réduit jusqu’à 6000. On ne les entend plus ces jours-ci. Mais cette stratégie continue dans le plus grand silence.

Les fermetures d’hôpitaux ne sont jamais bien accueillies par la population. Encore moins durant une pandémie. Les soins de santé ne sont pas une science abstraite, mais une question hautement politique. Et il faut souligner tout de même que c’est le peuple qui finance ces structures par le biais du paiement de sa prime d’assurance et par le biais de ses impôts.

Notre gouvernement et les assurances ne peuvent être crédibles que s’ils se montrent transparents sur ce sujet. Tout autre stratégie va provoquer le méfiance. Une méfiance qui nuira à la relation déjà bien endommagée entre la population et les assurances maladies, mais aussi avec le gouvernement.

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