Quand un lévrier très stylé nous escorte au cœur de l’Europe

Publié le 27 octobre 2023
Dans son nouveau roman très singulier, «Un Galgo ne vaut pas une cartouche», Jean-François Fournier, qui fait rimer truculence et désespérance, s’improvise Tour Operator, accompagné d’une adorable levrette, d’une virée dans l’espace-temps d’un vieux continent sous perfusion gastro-érotico-artistique. Loin de Bruxelles, pour notre bonheur!

«L’Europe à laquelle je rêve est celle des cultures et pas du tout celle des Etats-nations, des technocrates ou de l’argent», me disait Denis de Rougemont il y a  cinquante ans de ça, lorsque, dans son grand jardin de la campagne genevoise, il m’avait reçu afin de répondre à mes questions sur le terrorisme européen de l’époque. 
Amorçant alors son grand virage écolo, celui qu’un André Malraux considérait comme l’un de ses contemporains les plus intelligents, m’avait impressionné par la compréhension qu’il manifestait à l’endroit des extrémistes italiens ou allemands, qui ne manqua de scandaliser certains lecteurs du journal Construire qui m’envoyait, le fameux «hebdomadaire du capital à but social» dont Charlotte Hug avait fait, à l’enseigne de la Migros, une publication culturelle de premier ordre et de très grande diffusion.
Or je n’aurai cessé de penser à la réflexion du grand auteur de L’Amour et l’Occident ou de Penser avec les mains, entre tant d’autres ouvrages, en lisant le nouveau roman de Jean-François Fournier illustrant les multiples aspects, flamboyants ou désespérés, de la culture européenne en son noyau génial, contrastant pour le moins – ou plus exactement pour le pire – avec ce qu’en ont fait les ploutocrates de la technocratie globale.  
L’éditeur Olivier Morattel a-t-il raison de parler crânement d’un «grand roman européen» à propos d’Un Galgo ne vaut pas une cartouche, si l’on se rappelle les chefs-d’œuvre de Thomas Mann ou de Robert Musil? Disons que, plus modestement, cette suite de variations sur quelques thèmes fondamentaux apparaît bel et bien comme un roman interrogeant les tenants du génie créateur à l’occidentale, ainsi qu’une célébration fervente de l’art et de la littérature, et que telle est certes sa «grandeur», à distinguer de la platitu...

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