Quand les musées poussent à la mise en scène du soi

Publié le 11 octobre 2017
Propulsé par la toute-puissance d’Instagram, le phénomène des expositions photogéniques s’accroît. Avec comme extrême, la création d’exhibitions pensées uniquement pour générer des selfies et photos de profil sur le réseau social. Le débat sur la légitimité artistique de ces initiatives éclôt. Opinions en Suisse romande.

Avec sa piscine de confettis multicolores ou sa pluie de bonbons, la Color Factory et le Museum of Ice Cream de San Francisco revendiquent des expositions 100% dédiées au réseau social Instagram. Toutes les scénographies poussent les visiteurs aux clics, plus particulièrement au selfie ou à l'image de soi pop-art. Un moyen d’attirer les «digital natives», friands de numérique dans leurs murs. Présentées comme une nouvelle forme d’expérimentation muséale, ces deux initiatives «édulcorées» font l’objet de vives critiques depuis. Est-ce encore de l’art? Quelle légitimé pour ces installations? Et jusqu’où travestir la vocation des musées – de transmettre un savoir, un patrimoine – pour séduire influenceurs et autres blogueurs? La discussion est lancée.

La vidéo réalisée par le magazine WIRED qui a lancé le débat sur la légitimité artistique de ce type d'expositions photogéniques.
Drainer un public digitalisé

En Suisse, les centres d’art contemporain réagissent avec nuance face à la stratégie «déferlante de selfies». Danaé Panchaud, responsable des relations publiques du Musée de design et d’arts appliqués contemporains à Lausanne (MUDAC) voit d’un œil intéressé cette attirance pour le partage d’images numériques. L’exposition Miroir, Miroir, qui s’est achevé en début octobre, se prêtait parfaitement à ce jeu de smartphone. Même si difficilement quantifiable, elle a drainé un public plus digitalisé. «Au MUDAC, Nous voyons cela comme un changement de paradigme, un autre façon d’entrer en relation avec l’œuvre», explique-t-elle.
 
Wooden Mirror, 2014. La création de Daniel Rozin exposée au MUDAC à Lausanne dans le cadre de «Miroir, Miroir» a séduit les visiteurs. Beaucoup se sont photographiés pour alimenter leur compte Instagram et Facebook. © DR

Mais contrairement aux ...

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