Odieux graffitis à Payerne

C’est à n’y pas croire. Une bande de Payernois a cru drôle d’écrire des mots racistes sur des murs et des vitrines de la ville déjà tristement célèbre pour le crime nazi commis le 16 avril 1942: l’assassinat du marchand de bétail Arthur Bloch. Un assassinat auquel j’ai consacré un film, avec Yvan Dalain, et un livre.
Les formules sont claires. Sur un commerce tenu par une famille juive: «On a rasé la blatte», terme familier pour désigner les cafards. Il s’agirait d’une allusion à Bertrand Bladt, l’ancien directeur de Manor à Payerne, de confession juive. Plus évident encore: «Liquidation générale: 39-45 %». Allusion à la «solution finale». Avec en outre un coup de griffe contre les Asiatiques avec leurs «sourires plissés». Tout cela au nom de l’humour!
Le municipal concerné élude le problème
Le comble: parmi ces voyous, la présence d’un membre de la municipalité, entré en fonction quelques jours auparavant, Lionel Voinçon, juriste, d’origine mauricienne. Que répond-il à ceux qui l’accusent de racisme? «Ce sont des attaques qui me touchent beaucoup, étant moi-même métis. Nous voulions simplement faire rire les gens. Mais personne ne nie que c’était inapproprié, bien au contraire. Nous ne banalisons pas le génocide, et nous n’avons voulu blesser personne.» Et il ajoute (dans le quotidien La Liberté): «Cela indique que les tags véhiculaient des messages qui ne sont plus acceptés par une partie de la population. Nous devons nous poser la question du niveau auquel il faut désormais placer le curseur.» Une façon d’éluder le problème.
Comme l’écrit notre confrère Antoine Menusier dans Watson: «Et que dire de l’un des chars des Brandons de Payerne de cette année représentant des juifs habillés « comme dans la comédie Les aventures de Rabbi Jacob« , mais associés visuellement à un chandelier doré et à ce qui ressemble à des pièces d’or, ce que le film de Gérard Oury avec Louis de Funès ne fait pas? On dirait que tous les barrages ont sauté.»
Comme les drilles antisémites auxquels il s’est mêlé, l’élu payernois n’a manifestement aucune idée du poids de la mémoire dans la ville dont il dirige un dicastère. Doit-on vraiment lui rappeler que la perception du présent exige un minimum de connaissance historique?
Non seulement choquant mais illégal
Quant à Monique Picinali, vice-syndique, elle assure que «les relations au sein de la municipalité ne changeront en aucun cas suite à cette polémique. Les compétences de Lionel Voinçon ne sont pas remises en question. Ce qui se passe dans la sphère privée n’a pas automatiquement vocation à avoir des conséquences dans la sphère professionnelle.» Passez, il n’y a rien à voir. Aucune autorité, communale ou cantonale, n’a donc réagi avec la fermeté qu’exige un tel agissement, non seulement choquant mais illégal.
On a beaucoup parlé d’antisémitisme ces derniers temps. Des opposants à la politique du gouvernement actuel d’Israël en ont été abusivement accusés. Mais là, oui, il y en a une trace manifeste et c’est odieux. La banalisation de ces graffitis démontre le danger de sa récurrence.
Pour qui a de tels trous de mémoire, je ne peux que recommander l’excellent podcast de la RTS diffusé l’an passé dans la série «Crimes suisses», intitulé Meurtre antisémite à Payerne: l’affaire Arthur Bloch.
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