Publié le 19 mai 2023
On parle beaucoup de la révolution technologique que représente l’intelligence artificielle, des effets qu’elle a déjà sur notre société. Beaucoup moins des petites mains humaines qui permettent au système de ne pas dire trop de bêtises. Deux journalistes de «L’Obs» les ont rencontrées à Madagascar.

Plusieurs grands acteurs de ce business s’y sont installés. Parce qu’on y trouve des jeunes gens bien éduqués, qui parlent le français et souvent l’anglais aussi. Dans un pays où 80% de la population vit avec moins de deux euros par jour.
Ces entreprises utilisent déjà cette main d’œuvre pour les centres d’appel, pour les relations-clients. «Ici, tout compris, on est à 3 euros de l’heure, déclare le responsable de Owokers. C’est moitié moins cher qu’au Maroc ou en Tunisie et quatre fois moins cher qu’en France!» D’autres sociétés ne paient que 1,5 euro par heure.
L’IA, on le sait, fonctionne avec une masse incommensurable de données trouvées sur le net, mais pour «apprendre», pour ne pas confondre une image de chien avec celle d’un chat, il y faut des corrections humaines, que l’on appelle annotations. Les «petites mains» passent donc huit heures par jour devant l’écran à surveiller les errances infinies du cerveau algorithmique. Jusque dans des domaines complexes: «Nous embauchons par exemple des radiologues pour analyser des images d’organes afin d’entraîner l’IA à la détection des lésions», dit François Dejeager, directeur de l’entreprise belgo-française Ingedata, qui ajoute: «Nous voulons être une source de données complexes et pour cela nous valorisons l’intelligence de nos annotateurs.»
Le patron d’une autre société, Isahit, qui travaille notamment pour L’Oreal et Airbus, vante son «éthique de l’externalisation»: «Nous permettons aux femmes du monde entier de bénéficier de la flexibilité du digital.» Celles-ci pourtant, à Madagascar, n’hésitent pas à parler de leur épuisement, du manque total de considération, du salaire misérable qu’elles sont contraintes d’accepter au vu de la situation économique catastrophique de l’île. L’une d’elles lâche: «C’est de l’esclava...

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