Les femmes désirantes d’Andrea Camilleri

Publié le 26 juillet 2019
Il n’y a pas que le commissaire Montalbano dans la production littéraire de l’écrivain sicilien récemment disparu. Invitation à découvrir «Femmes», un délicieux petit bouquin largement autobiographique: on y découvre des Italiennes très entreprenantes face aux joies du sexe, longtemps avant 1968.

«Voilà ce qu’a été Andrea Camilleri: non seulement un homme libre, mais un homme qui a rendu possible, concret, réalisable le choix d’être libre.» Parmi les nombreux hommages rendus au grand écrivain sicilien, disparu il y a quelques jours à l’âge vénérable de 93 ans, celui de Roberto Saviano est particulièrement vibrant. Il rappelle que Camilleri n’a pas seulement créé le mondialement célèbre commissaire Montalbano, il a aussi été un intellectuel citoyen, engagé et courageux.
Lorsque j’ai appris sa mort, je finissais de découvrir une facette plus intime du personnage à travers un délicieux petit bouquin largement autobiographique intitulé Femmes. Il vaut le détour. Camilleri y dessine une galerie de figures féminines qui ont marqué son parcours, imaginaire, sentimental, charnel. L’édition originale de Donne a paru en 2014, notre fringuant narrateur allait alors sur ses 90 ans. La fraîcheur des souvenirs qu’il convoque est bouleversante. Tout comme l’empathie, le respect, l’admiration et la tendresse dont il témoigne pour ses sœurs en humanité.
Beatrice et les autres
Plusieurs femmes de la galerie sont pourtant des chaudes lapines que d’autres n’hésiteraient pas à humilier verbalement. Et c’est l’aspect le plus étonnant du bouquin: la plupart des figures évoquées sont issues de souvenirs de jeunesse, on est donc dans les années d’après-guerre, en Sicile. Mais les femmes que l’on découvre font joyeusement exploser le cliché de la pauvre Méridionale courbée sous le joug du patriarcat.  
Prenez Beatrice. Seul son prénom la rapproche de la muse désincarnée de l’auteur de La Divine Comédie, «objet non pas de l’amour, mais du vice solitaire, entièrement mental, de Dante», rigole notre auteur. Avec la Beatrice de Camilleri, on est à l’été 1944, un an après la fin de la guerre ...

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