Le piège du vacarme climatique

Publié le 25 septembre 2019
La redondance obsessionnelle du sujet n’entraînera pas forcément un bouleversement du Parlement. Une partie de l’électorat, effrayé par le catastrophisme ambiant, pourrait se lasser des injonctions vertes. Du coup maintenir l’UDC, réticente sur le sujet, à un haut niveau. Quant aux autres partis, si pressés de s’exprimer dans toutes les nuances de vert, ils laissent dans le flou leurs programmes sur d’autres thèmes. Pour autant qu’ils en aient une vision claire. Le bilan de la dernière législature, bien peu abordé, ne rend pas optimiste.

Leur course à la meilleure note écologique ne renforce guère leur crédibilité. Mais l’overdose climatique les arrange: on en oublie de les faire s’expliquer sur le bilan des quatre dernières années à Berne. Pas brillant. Chaque chapelle accuse les autres des retards. Reste que le tableau d’ensemble est celui de la stagnation.

Tour d’horizon, non exhaustif, des dossiers qui concernent directement la population et qui restent en panne.

Le plus douloureux: l’assurance-maladie qui pèse de plus en plus sur le budget des ménages. La préoccupation n°1 des Suisses selon les sondages. Les mesures minuscules annoncées ne font pas illusion. La Suisse est le seul pays d’Europe où ce pilier de la sécurité sociale n’est pas payé selon la hauteur des revenus familiaux. Même là où les voisins complètent la «sécu» de base par une mutuelle, leur note reste beaucoup moins lourde. Et arrêtons de croire que chez nous les soins sont les meilleurs du monde. Plus personne, au niveau fédéral, ne réclame une refonte totale d’un système devenu insupportable. Bonne chance aux cantons qui commencent d’y songer. Mais à Berne, tout débat est d’emblée verrouillé par une garde parlementaire à la botte des assurances privées et des pharmas qui font exploser les coûts.

Le plus fondamental: la relation avec l’Union européenne. Le gouvernement a négocié pendant cinq ans un accord-cadre. Et aujourd’hui il ne dit ni oui, ni non, bien au contraire. Quant aux partis, ils ne songent qu’à glisser le sujet sous le tapis. A l’exception de l’UDC qui est au moins claire et choisit la voie de l’isolement. Attendre, attendre encore, en espérant la bienveillance de nos partenaires que l’on ne se prive pas de vilipender par ailleurs, c’est indigne. L’enlisement risque de coûter cher à un pays au cœur de l’Europe qui vit pour une grande part des exportations, des collaborations scientifiques, des services, du tourisme, des échanges humains. Les grands médias évacuent aussi la question qui a disparu des pages et des émissions de radio et de TV. Le pays s’enfonce dans le déni nombriliste.

Le plus embrouillé: le système fiscal. Il est touchant de voir les stars de la gauche et de la droite qui se félicitent de concert du succès de la réforme de l’impôt sur les sociétés –abaissé – assorti d’un cadeau à l’AVS. Comme si le cas était réglé. Plusieurs cantons fixent des taux inférieurs à presque tous les pays européens. Comme si nous n’avions pas d’autres atouts pour attirer et garder des sociétés étrangères. L’OCDE et l’UE préparent des dispositions pour empêcher les multinationales d’échapper à l’impôt où elles réalisent leurs bénéfices et de les déplacer dans les pays au fisc le plus favorable. Notre politique du dumping fiscal est à courte vue. Mais qui parle de cela? En attendant, cantons et communes se demandent comment elles combleront le manque à gagner dû aux faveurs accordées aux entreprises, selon la loi dite RFFA tant applaudie.

Le plus récurrent: les retraites. Pendant quatre ans, il en fut beaucoup question. Mais aucune vision d’avenir ne se dessine clairement. La proposition d’élever l’âge du repos pour les femmes, déjà précarisées à cet égard, sonne comme une provocation. Les questions de fond ne sont pas posées ou mollement. Quel avenir pour le deuxième pilier à l’époque des rendements financiers nuls? Est-il réaliste, au vu de l’évolution démographique, de compter principalement sur les prélèvements salariaux? Ne serait-il pas temps, pour consolider et augmenter l’AVS, de miser sur une forte hausse de la TVA (la plus basse en Europe)? La réflexion n’est pas menée en profondeur.

Le plus débattu: le climat! Il est facile d’imposer des taxes. Il l’est beaucoup moins d’adapter les transports aux nouvelles nécessités. Tâche partagée certes avec les cantons et les communes mais avec une grande responsabilité de la Confédération. Dans certaines villes, Zurich en tête, le bilan est réjouissant. Ailleurs il peut être affligeant. A Genève en particulier où voitures, bus et trams s’emmêlent dans un triste chaos. Où le sempiternel projet de traversée du lac relève de l’humour noir.

A tant d’égards la Suisse reste en rade. Et ce ne sont pas les foules mobilisées par les injonctions prophétiques de la Vierge aux tresses qui la remettront à flots.

 

 

 

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