Du CO2 dans nos boîtes aux lettres

Publié le 27 mars 2019

La quasi-totalité de cette énorme masse de papiers passe presque directement dans nos conteneurs de papiers et dans les poubelles, au mieux, après lecture en diagonale.
– © Capture d’écran / DR

Qui n'a jamais pesté contre les tonnes (littéralement, au niveau suisse) de papier qui s'accumulent dans sa boîte aux lettres et cela sans n'avoir rien demandé? La Fédération romande des consommateurs a fait le calcul. La question climatique secoue les neurones de nombreux acteurs citoyens ou politiques, mais par où commencer?


Elie Hanna, ex-banquier

Cet article a été inspiré par la lettre de Dorian Saligarakis adressée à Bon pour la tête


En plus du courrier habituel, la moitié d’entre nous reçoit dans sa boîte aux lettres entre 36 et 60 kg de papiers indésirables par an, que la poste appelle techniquement « courrier tous ménages ». Des catalogues pour tout, des flyers, des prospectus, des magazines Deluxe sur du joli papier, des journaux gratuits et surtout des publicités des grands distributeurs, etc. A cela s’ajoutent les sollicitations des associations caritatives et parfois religieuses, et Dieu sait qu’elles sont de plus en plus nombreuses. Il suffit de donner une fois 10 francs à une seule association, pour se voir littéralement assailli, par des sollicitations écrites de toute part pendant plusieurs années.   

L’autre moitié de la population ne reçoit qu’entre 2,5 et 6,7 kg par an, des allergiques aux gaspillages qui ont collé sur leurs boîtes aux lettres « pas de publicité », mais cela n’arrête pas la distribution des journaux gratuits. Ce qui m’a étonné le plus en découvrant ces chiffres dans l’enquête de la Fédération romande des consommateurs à ce sujet, qui s’est déroulé grandeur nature dans plusieurs cantons romands tout le long d’une année complète ; qu’en Valais les habitants reçoivent beaucoup plus de publicités qu’à Genève!

5000 camions pour notre pub

«Selon l’Office fédéral de l’environnement, la Suisse produit chaque année 1,2 million de tonne de papier. Selon des chiffres de 2015, 52% des boîtes aux lettres et cases postales disposaient d’un « Stop pub! », cela signifie en théorie que 7% du papier produit serait utilisé pour la pub», explique la FRC.

La quasi-totalité de cette énorme masse de papiers passe presque directement dans nos conteneurs de papiers et dans les poubelles, au mieux, après lecture en diagonale. Avec ces chiffres, extrapolés à l’ensemble du pays nous arrivons à un minimum de 85’000 tonnes de papiers publicitaires, produits majoritairement à l’étranger par souci de coûts.  Soit le chargement d’environ 5000 camions de 18 tonnes par an. Vous avez bien lu: le chargement de cinq mille camions!

La distribution aux consommateurs finaux est assurée par des sociétés privées, qui utilisent des centaines de scooters équipés de moteurs à deux temps, qui polluent chacun beaucoup plus qu’un gros camion. La poste en distribue aussi et pas forcément en même temps que le courrier normal.

A Genève, le ramassage s’effectue avec les autres papiers & cartons une fois par mois, par la voirie cantonale, en utilisant cette fois des camions spéciaux, très couteux et gourmands en carburants.  Ce n’est pas le bon article pour dénoncer les embouteillages, que la circulation de ces mastodontes nous cause, mais l’occasion est belle pour le mentionner.

Jusqu’ici, nous étions tous passivement complices de ce gaspillage, partant du fait que cette filière économique bénéficie à des chefs d’entreprises et des salariés qui nourrissent leurs familles grâce à cette activité. Ils sont des industriels qui fabriquent ou qui recyclent le papier, des imprimeurs, des importateurs de papiers, des créateurs de publicités, des commerciaux, des distributeurs de toutes tailles, etc.

A présent, le silence est devenu coupable puisque si rien n’est fait, nous serons amenés à la poursuite de cette pollution dans une planète qui sature en CO2. Cerise sur le gâteau, on est maintenant amené à compenser l’excès d’émission de CO2 en achetant des quotas à des pays qui en produisent moins. Nous basculons de ce qui est à peine acceptable à ce qui est totalement absurde.

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