Le cinéma italien à l’heure du révisionnisme féministe

Publié le 14 juin 2024

« Gloria » © FILMCOOPI

Il y a quelques mois, «Il reste encore demain» de Paola Cortellesi cassait la baraque du box office italien et même helvétique. Aujourd'hui débarque «Gloria!» de Margherita Vicario, sélectionné en compétition à la dernière Berlinale. Et malgré les meilleures intentions de ces cinéastes soucieuses de revister le passé du point de vue des femmes, un malaise s'installe. Ne sont-elles pas en train de le réécrire par le petit bout de la lorgnette?

C’est ce qu’on appelle un tir groupé et pourtant rares sont ceux qui l’auront remarqué, du fait d’une exposition très inégale de ces films. Du très populaire Il reste encore demain (C’è ancora domani) de Paola Cortellesi au très confidentiel Primadonna de Marta Savina en passant par Gloria! de Margherita Vicario et La bella estate de Laura Luchetti, tous sortis en salle ce printemps, une série de points communs interroge. Il s’agit en effet d’autant de «films d’époque» italiens tournés par des femmes, avec un propos ouvertement féministe. En principe, on aurait voulu applaudir. Et puis non, chacun à son tour et à sa manière s’est avéré décevant. On a vu des intentions, du volontarisme ou du suivisme, mais pas assez de cinéma. Et surtout une tentation à réécrire l’histoire qui commence à devenir problématique.

En pleine mue, le cinéma italien actuel fait la part belle au documentaire et à un «néo-néoralisme» peu coûteux qui s’en inspire. L’autre tendance lourde, ce sont les premiers films de femmes, lesquelles voient apparemment leurs projets privilégiés par les décideurs. Et ce n’est que justice, tant il est vrai que les grandes devancières ont été aussi rares ici qu’ailleurs (Lina Wertmüller, Liliana Cavani, Giovanna Gagliardo, Cristina Comencini, Francesca Comencini et Francesca Archibugi, principalement, parmi quantité de carrières avortées). Enfin, qu’après des sujets contemporains, ces réalisatrices s’attaquent elles aussi à ce passé plus présent qu’ailleurs au pays de Rossellini, Visconti et des frères Taviani est aussi a priori une bonne nouvelle. Sauf qu’avec de...

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