Le brouillard vert

En fait, il n’y a pas eu de débat. Puisque tous les partis (sauf l’UDC, ce qui ne lui a pas réussi) pensent qu’il faut agir. Très bien, mais comment? Les Verts se sont bien gardés d’être trop précis puisqu’ils mijotent une avalanche de taxes qui ne seront pas très populaires. Un plan résolu et documenté pour réduire les émissions nocives de l’industrie, pour soutenir les projets de récupération du CO2, pour améliorer les transports publics et autres mesures réalistes? Rien de tel. Le bla-bla vert a enfumé les discours.
Pardon, chères élues, chers élus, chères candidates et chers candidates malheureux, mais beaucoup d’entre nous seront soulagés de ne plus voir vos faces souriantes à tous les coins de rues. Car vous vous êtes joué de nous. Vous n’avez rien dit ou presque de ce que vous ferez sur les dossiers chauds qui nous attendent. Certains d’entre nous ont peut-être voté pour des personnes dont l’opinion est opposée à la leur sur ce qui les préoccupe le plus.
L’Europe? Pas un mot sur l’accord-cadre. A l’exception de l’UDC qui le diabolise et les Verts libéraux qui sont pour. Le PLR, le PS, le PDC et les Verts se réfugient dans l’ambiguïté silencieuse. Aucune vision claire de l’avenir de nos relations avec nos voisins.
La libre circulation des personnes? A maintenir ou à supprimer? Le peuple devra se prononcer l’an prochain. Vous auriez pu préparer le terrain, annoncer la couleur lors de vos innombrables allocutions préélectorales. Non, là encore, vous avez préféré une prudence de Sioux.
Les retraites? Cela préoccupe grandement jeunes et vieux. L’impasse du système à terme se dessine. Mais chut… Tous en restent aux bricolages. Sans proposition claire. Cela à l’heure où le Conseil fédéral nous dit que tout dépend désormais du Parlement.
La santé? Là aussi, silence radio. Les primes rabotent chaque année un peu plus les ménages modestes. Tous les discours sur ce terrain sont convenus, archi-connus. Mais personne n’ose se lancer ou se relancer dans un projet plus équitable. Où, comme dans tous les autres pays européens, le risque de la maladie serait payé en fonction du revenu. Où les pharmas ne pourraient plus imposer des prix plus élevés que partout ailleurs, parfois délirants. Où le pouvoir de leur lobby et de celui des assurances privées serait enfin réduit.
La transparence? Le public a été choqué de découvrir que nombre de parlementaires se font littéralement acheter par divers groupes et organisations économiques. Mises à part quelques voix isolées, aucun parti ne s’engage pour plus de rigueur. Une loi sur leur financement, comme il en existe dans tous les pays de l’UE? Il n’en est question nulle part. L’hypocrisie règne.
Les impôts? Il faut être bien inattentif pour ne pas voir que bien des tracas se profilent. L’allègement de la charge fiscale sur les sociétés pose de sérieux problèmes aux cantons et aux communes. Comment mieux corriger ces effets? L’OCDE – qui sait imposer ses volontés chez nous aussi – prépare l’obligation de taxer les multinationales là où elles font leurs affaires, à travers le monde, les empêchant de déplacer leurs bénéfices dans les pays, comme la Suisse, à taux bas. Ce sera pour elle un choc considérable. La tentation sera grande de reporter sur les personnes physiques le manque à gagner prévisible. Mais qui parle de cela? Personne! Dans cette perspective, qui réclame un examen approfondi du coût de l’administration et des régies fédérales? Les dérapages de La Poste en France, de RUAG qui surfacture ses armements, ceux des services cybernétiques de la Confédération qui se sont maintes fois et coûteusement plantés auraient dû sonner l’alarme. Mais rien, pas un mot sur une meilleure vigilance.
Une campagne électorale qui se réduit à un seul thème, aussi important soit-il, où tous glissent sous le tapis les objets gênants, tels des gamins qui cachent leurs mauvaises notes à leurs parents, c’est indigne d’une démocratie lucide et responsable. On ne gère pas un pays en se laissant porter par l’air du temps. Mais gare à vous, chers parlementaires, on vous a à l’oeil. Vous devrez bien sortir du bois. Et on fera les comptes dans quatre ans.
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