La philosophie du juste milieu

Publié le 10 mars 2023
On ne présente plus Adrien Gygax. Dans son dernier roman intitulé «Départ de feu», ce trentenaire qui a déjà publié au Cherche-Midi, chez Grasset et maintenant chez Plon brosse un portrait incisif d'une génération et d'une époque caractérisée entre autres par l'invasion numérique, la superficialité et une forme de bêtise. Entretien.

Un soir, en rentrant chez lui, le héros trouve son immeuble en flammes. Il apprendra plus tard que sa voisine de palier a péri dans cet incendie. Une voisine dont il ignorait jusqu’à l’existence. L’idée qu’on puisse côtoyer quelqu’un de si près sans même déceler sa présence provoque une onde de choc. César va complètement se remettre en question et tenter de se soustraire à son quotidien en allant au fond de lui-même, d'abord dans la solitude hivernale des montagnes jurassiennes, puis en Polynésie où, en lieu et place du paradis recherché, il tombera sur un groupe d'éco-militants. Une quête de sens qui vire à l'absurde, qui va de désenchantement en désenchantement, mais qui passe aussi par un superbe passage d'extase mystique où l'auteur se fait le porte-parole de la planète Terre.
BPLT: Ce roman parti pour caricaturer une génération tourne vite pour César à la quête identitaire. Est-ce que le sentiment de décalage par rapport à ses contemporains induit chez votre héros une urgence à se trouver ailleurs?
Adrien Gygax: C’est le décès de sa voisine qui lui fait prendre conscience de ce décalage par rapport à ses contemporains, enfin pas tous, parce que la génération des actuels trentenaires n’est pas si compacte, mais surtout d’un décalage entre la vie qu’il mène et celle qu’il avait imaginée.
Qu’est-ce que cette voisine représente pour César?
Une prise de conscience. Elle amène César à se demander s’il est bien normal, pour un humain, d'être en «réseau» avec ses semblables à travers le monde, mais d'ignorer l'existence de quelqu’un qui vit à quelques mètres de soi tous les jours.
En quoi la compagnie Philip Morris est-elle emblématique de notre époque?
Il y avait une symbolique marrante par rapport au thème départ de feu. Je connais des gens qui travaillent dans cette co...

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