La myopie, nouvelle maladie endémique

Publié le 23 avril 2021
La myopie est la déficience visuelle la plus courante et a fortement augmenté dans les pays industrialisés ces dernières années : elle devient de plus en plus un problème de santé mondial. En Europe, on estime que la moitié des jeunes de 20 ans sont myopes, dans les pays asiatiques, le chiffre atteindrait 95%. Une étude de 2012 pointe notamment des facteurs environnementaux — et les écrans.

Un mal des pays industrialisés

«Myopie» vient du grec muôpia, «à courte vue». Les myopes voient donc flou de loin. L’anatomie montre que le globe oculaire étant trop long, les images se forment en avant de la rétine et sont ensuite transmises au cerveau sous forme d’image floue. Les enfants myopes essaient donc d’améliorer les images floues que leurs yeux leur fournissent grâce à une astuce simple : ils «forcent» sur les yeux, les plissent, pour mieux voir. Car la compression des paupières entraîne un rétrécissement de la pupille et une augmentation de la netteté de l’image, de la même manière que l’on augmente la profondeur de champ en réduisant l’ouverture d’un appareil photo.

La myopie est un problème croissant dans les pays industrialisés. Plus de 1,4 milliard de personnes sont myopes, l’Asie étant la plus touchée: dans les grandes villes chinoises, le taux est supérieur à 90 %, et en Corée, on compte même 98 % de myopes parmi la jeune génération. Le Brien Holden Vision Institute en Australie a conclu que d’ici 2050, 50 % des personnes dans le monde seront myopes et appelle à des mesures actives pour lutter contre ce phénomène. En Suisse, aucune donnée précise n’est disponible. On peut estimer que proportionnellement, un enfant sur trois souffrirait de myopie.

En 2012, première étude approfondie sur les causes de la myopie

Selon les études du professeur Schaeffel, de l’Institut de recherche ophtalmique de Tübingen, pour lesquelles il a reçu le prix européen de la recherche sur la vision en 2012, outre une prédisposition génétique, des facteurs environnementaux tels que l’éducation, la profession et les loisirs ont également un effet sur le développement de la myopie. La croissance de la longueur du globe oculaire est un processus contrôlé. Un travail trop rapproché des écrans ou le fait de passer trop de temps à l’intérieur semblent favoriser l’allongement excessif du globe, tandis que la lumière du jour le régule. Pourquoi la lumière du jour? Parce qu’elle est nettement plus intense. Alors que l’éclairage intérieur se situe entre 300 et 500 lux, à l’extérieur, il atteint 100 000 lux par temps ensoleillé et tout de même 10 000 lux par temps de pluie. 

Une motion déposé au Parlement suisse

Début mars 2020, la conseillère nationale PS Yvonne Feri a déposé une motion au Parlement demandant au Conseil fédéral de collecter des données sur la myopie des enfants suisses. Sur la base de ce rapport, le président de la Fondation suisse pour la protection de l’enfance appelle à une stratégie nationale de lutte contre la myopie. «Jusqu’à présent, peu de choses ont été faites en Suisse pour lutter contre la myopie chez l’enfant», dit Feri. Elle rend également la consommation de médias sur écran, entre autres, responsable de l’augmentation de la myopie: «Les enfants doivent à nouveau jouer beaucoup plus dehors», déclare la conseillère nationale PS. 

Le danger des écrans

D’un point de vue ophtalmologique, les PC, smartphones ou tablettes sont donc totalement inadaptés aux enfants de moins de 3 ans. Les enfants de 4 à 6 ans ne devraient pas passer plus de 30 minutes par jour devant un ordinateur. Pour les enfants de l’école primaire, une heure maximum, et à partir de l’âge d’environ 10 ans, jusqu’à deux heures par jour. Le soir, regarder un écran pendant une ou deux heures avant le coucher est contre-indiqué.

Voilà les indications des spécialistes. En déduction de ces conseils, il est grandement l’heure de sensibiliser les parents et expliquer, qu’il existe des méthodes simples pour soulager les yeux: la règle du 20-20-20 par exemple (une pause de 20 secondes toutes les 20 minutes lorsque l’on fixe un écran, pour regarder quelque chose qui se trouve à une distance de 20 pieds, environ 6 mètres).

Regarder des objets de près, durant l’enfance, stimule la croissance du globe oculaire. Il faut donc être attentif au temps passé par l’enfant devant un écran, à son temps de lecture, et prévoir des pauses. Et le plus important: passer au moins deux heures par jour à l’extérieur. Les enfants doivent jouer dehors.

Un étude pendant le confinement de 2020

Une étude réalisée en Chine a examiné les yeux de plus de 100’000 étudiants depuis 2015. Au cours des six premiers mois de 2020, les résultats diffèrent radicalement de ceux des années précédentes. La vision des enfants s’est détériorée d’au moins 0,3 dioptrie après six mois de confinement, d’enseignement à domicile et de couvre-feu. La myopie était jusqu’à trois fois plus fréquente dans le groupe d’âge dès 6 à 8 ans que les années précédentes. Il est également avéré que les enfants et les jeunes ont passé jusqu’à 75 % de temps supplémentaire à jouer à des jeux numériques pendant le premier confinement. Que ce soit par ennui à la maison, que ce soit parce que les parents ne connaissent souvent pas grand-chose d’autre pour occuper les plus jeunes en période de fermeture des crèches et des bureaux à domicile, aussi pour parquer les petits devant le smartphone ou la tablette. Alors que les enfants passaient en moyenne 79 minutes à jouer les jours de semaine en septembre 2019, ils y ont passé 139 minutes en avril 2020.

Il ne reste qu’à conclure, à l’adresse des parents, éducateurs et toutes personnes qui s’occupent d’enfants: qu’ils aillent jouer dehors! 

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