Publié le 20 novembre 2019
Un prince en Avignon, cette chanson combien de fois l’ai-je entendue lorsque j’étais adolescent? Je puis sans effort la fredonner. Elle était un hommage à celui qui restera pour toujours le Cid et le Prince de Hombourg. Gérard Philipe, disparu le 25 novembre 1959. Le comédien n’avait que 36 ans. Avec Jean Vilar, il fut l’âme du Théâtre National Populaire, le fameux TNP, et illumina la Cour d’honneur du Palais des Papes les soirs d’été avignonnais. Ne pas l’avoir vu jouer, parce que j’étais bien trop jeune alors, demeure l’un de mes plus grands regrets.

Je ne vois guère que Jean Marais pour lui disputer le premier rôle au théâtre et au cinéma dans la France de l’après-guerre. Il faut dire que Gérard Philipe a tout pour lui, la jeunesse, la beauté, une extraordinaire présence, une voix d’ange. Il faut l’écouter dire les stances du Cid de Corneille ou le poème Liberté d’Eluard, dont fort heureusement l’on possède les enregistrements (voir ci-dessous). C’est un miracle de justesse et de sensibilité. Il faut le voir à l’écran prêtant ses traits à Modigliani dans Montparnasse 19. Avant, il y a eu Le Diable au corps, Le Rouge et le Noir, Les Grandes manœuvres et bien sûr Fanfan la Tulipe qui, à sa sortie en 1951, enregistra près de 7 millions de spectateurs. «Il jouait si bien, dira le réalisateur Christian-Jacques, que même le cheval croyait qu’il savait monter.» On a de la peine aujourd’hui à mesurer ce qu’est alors au lendemain de la guerre la popularité de Gérard Philipe qui incarne une image lumineuse, «morale» dira la presse, de la jeunesse après les années noires de l’Occupation. 
Né à Cannes en 1922, Gérard Philipe, après avoir suivi le Conservatoire à Paris, obtient son premier succès en 1943 dans rôle de l’ange de Sodome et Gomorrhe, la pièce de Giraudoux créée au Théâtre Hébertot. A la libération de Paris, lui, qui a un père collaborateur, fait partie des FFI qui s’emparent de l’Hôtel de Ville. Il joue dans Caligula de Camus, enchaîne les succès aussi bien sur les planches qu’à l’écran. La Comédie Française lui tend les bras, mais c’est le TNP qu’il choisit en 1951. 
Proche du Parti communiste, signataire de l’Appel de Stockholm contre les armes nucléaires, Gérard Philipe croit en l’engagement, croit au projet de Vilar de jouer pour le plus grand nombre, y compris dans les usines. Et c’est aux côtés de Jeanne More...

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