L’immortalité de Kundera vous attend à la ressourcerie

Publié le 21 juillet 2023
Revenir au grand écrivain disparu nous révèle son éventuelle actualité – tout dépend de notre lecture –, fût-ce trente-trois ans après la parution d’un de ses plus grands romans, mêlant une réflexion pénétrante sur les avatars et autres simulacres de la passion amoureuse et sur le déclin de la culture européenne, nos vanités mortelles et ce qui leur survit. Au moment de relire l’Œuvre: souvenir d’une rencontre en 1984…

La coïncidence anecdotique pourrait relever de la fiction, et pourtant non: une sorte d’ironie des circonstances m’a fait découvrir, il y a deux semaines de ça, serré dans les rayons très richement pourvus de la ressourcerie des Fosses, sous les piliers de l’autoroute des hauts de Montreux, tel exemplaire de L’Immortalité de Milan Kundera ayant appartenu à une certaine Teresa, homonyme à une lettre près de la protagoniste de L’Insoutenable légèreté de l’être…
Or, me rappelant que je n'avais plus l’édition originale du roman pour l’avoir prêtée à un ami disparu depuis lors, je m’emparai du volume offert à la reprise – cinq jours avant d’apprendre la mort de l’écrivain… 
Autre ironie des choses de la vie: que l’auteur de L’Immortalité tirât ainsi sa révérence après avoir été, pour beaucoup, oublié de son vivant. De quoi rire? Bien plutôt: de quoi le relire!
Par-delà le kitsch de la gloire
L’expression, kitsch au possible, d’«auteur culte», a été appliquée maintes fois à Milan Kundera, dont l’œuvre distille pourtant les anticorps d’une ironie critique défiant toute adulation convenue. 
Pourtant il fut un temps, aujourd’hui passé, où lire L’Insoutenable légèreté de l’être passait pour le top du chic – carrément «incontournable». C’était un peu moins de vingt ans après la parution de La Plaisanterie – l’année de nos vingt ans à nous –, premier grand roman du jeune Tchèque qui lui valut l’opprobre de son pays et reflète le climat d’une époque (comme le cinéma de ces années, par exemple avec Les Amours d’une blonde de Milos Forman) tout en se distinguant nettement de la littérature dissidente par son rejet intrinsèque de toute idéologie – plus tard, un Soljenitsyne taxera cette position de «pluraliste»…
Milan Kundera s’est défini comme «un hédoniste perdu dans un monde politis...

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