Détection précoce du cancer de la prostate: il faut laisser tomber le test PSA

Publié le 14 janvier 2020
On le sait depuis longtemps: le test PSA (dosage de l'antigène prostatique spécifique par prélèvement sanguin) fait plus de mal que de bien. L’institut de la qualité allemand IQWiG le confirme à nouveau.

Article de Urs P. Gasche publié sur Infosperber le 8 janvier 2020. Traduit par Marta Czarska.


Il y a 6 ans, Infosperber informait sur ce qui était un secret de Polichinelle. «Le test PSA détecte précocement le cancer de la prostate. Mais les risques d’impuissance et d’incontinence sont énormes. De nombreux hommes deviennent inutilement impuissants à cause du test PSA».

Déjà, Infosperber s’appuyait sur une estimation de l’Institut pour la qualité et l’économie de la santé publique allemand, l’IQWiG. Pour un seul homme sauvé de la mort par cancer de la prostate grâce au test PSA, 36 hommes ont été diagnostiqués positifs par le test PSA sans profiter du dépistage précoce. Certains d’entre eux sont devenus impuissants et incontinents à la suite d’exposition aux rayons X et d’opérations, sans en retirer aucun avantage.

C’est pour cette raison que les caisses-maladie, tant en Allemagne qu’en Suisse, ne remboursent pas le test PSA dans le dépistage précoce du cancer de la prostate. En dehors des urologues, qui profitent des opérations de la prostate, et certains médecins de famille, qui le font grâce aux tests PSA, presque toutes les autorités nationales de santé publique et les associations professionnelles de médecins (urologues à part), déconseillent le test en cas d’absence de symptômes de maladie de la prostate.

Pourtant, le lobby des urologues allemands voudrait que les caisses-maladie financent à l’avenir les tests PSA. C’est pourquoi l’IQWiG a à nouveau confirmé les pour et les contre de cet examen de la prostate, ainsi que du dépistage précoce

«Le dépistage est utile pour certains hommes, leur épargnant ou retardant le fardeau des métastases du cancer. Par contre, un nombre bien plus important d’hommes, en raison de surdiagnostics et de surtraitements, doivent compter, à un âge relativement jeune, avec une incontinence et une impuissance permanentes».

Grâce au dépistage du carcinome prostatique, on promet la découverte précoce de carcinomes à haut risque de progression à un stade guérissable, afin de réduire les chiffres des maladies et des décès.

Avantages discutables

Le dépistage PSA protège – selon les derniers résultats de l’IQWiG – statistiquement 3 pour mille des hommes qui se soumettent régulièrement pendant 16 ans au test PSA du décès d’un cancer de la prostate. Cependant, la mortalité générale des 1000 patients ne change pas. Ce qui signifie que 3 des 1000 hommes décèdent dans le même laps de temps d’une autre cause de mortalité. Il est possible que le décès prématuré des trois hommes soit dû aux surtraitements subis à la suite du dépistage PSA.

Dommages significatifs

Le test PSA permet

  1. souvent de détecter des cas suspects qui ne peuvent pas être confirmés par la suite,
  2. la découverte de cellules cancéreuses qui n’auraient jamais provoqué de troubles chez les hommes concernés et ce jusqu’à leur décès.

Dans le premier cas, rien que le diagnostic d’une maladie potentiellement mortelle est un dommage, expliquent les auteurs de l’IQWiG. De plus, chez beaucoup d’hommes avec une valeur PSA élevée, les médecins effectuent une biopsie de la prostate sans que cela apporte un quelconque avantage.

Dans le deuxième cas, les hommes subissent des opérations inutiles. Les complications mentionnées plus haut sont souvent irréversibles.

Des études antérieures avaient déjà démontré que beaucoup d’hommes plus âgés étaient porteurs d’une petite tumeur à la prostate, mais que celle-ci soit ne grandit pas, soit grandit si lentement, qu’elle ne provoque aucun trouble. «Lorsqu’on étudie les cellules de la prostate, presqu’un homme sur deux âgé de 50 à 60 ans à un carcinome», avait noté en 2008 déjà le professeur et urologue de Mannheim, Maurice-Stephan Michel.

Lorsque l’on découvre ces cellules grâce à un dépistage précoce, on ne peut toujours pas établir de nos jours chez quels hommes elles finiront par devenir problématiques. Dès lors, presque tous sont traités et opérés après le diagnostic, la plupart de manière inutile. Mais nombre de ces hommes croient à tort qu’ils ont évité le cancer grâce à l’opération.

Analyse de 11 études contrôlées randomisées avec plus de 400 000 participants

La nouvelle évaluation de l’utilité du dépistage PSA de l’IQWiG se fonde sur l’analyse de 11 études contrôlées randomisées qui incluent plus de 400 000 participants (en règle générale des hommes entre 55 et 70 ans, la durée d’étude étant de 13 à 20 ans). Les auteurs de toutes les études ont comparé les cas avec dépistage du carcinome de la prostate par test PSA avec ceux sans dépistage. Un résultat chiffré: 25 des 1000 hommes susmentionnés sont devenus définitivement impuissants à cause de traitements inutiles.

Swiss Medical Board: «Plus de désavantages que d’avantages»

En Suisse, l’indépendant «Swiss Medical Board» des pharmas, des caisses et des urologues avait déjà conclu en 2011 que le test PSA nuisait plus qu’il n’aidait dans le dépistage précoce du cancer de la prostate. Seuls les hommes ayant des antécédents familiaux ou des symptômes suspects tirent des avantages du test PSA [on ne parle pas dans ce cas de dépistage]. Le Swiss Medical Board est financé par la FMH, l’Académie Suisse des Sciences Médicales et la Conférence suisse des directeurs cantonaux de la santé.

Les médecins généralistes allemands prennent leurs distances

Il y a encore trop de médecins, tant en Suisse qu’en Allemagne, qui recommandent le test PSA aux hommes. Mais la Société allemande de la médecine générale et familiale déconseille dans ses nouvelles recommandations de pratiquer activement le dépistage précoce au moyen de la valeur PSA. Si des hommes en font quand même la demande, les médecins doivent leur expliquer clairement les avantages et les inconvénients.

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