Comment l’UDC manipule le langage

Publié le 6 novembre 2017

L’UDC a choisi, à dessein, de ressortir une vieille formulation qui avait disparu du langage courant depuis fort longtemps: «juges étrangers».
– © Bon pour la tête / Matthias Rihs

L’UDC a le sens de la formule. C’est le moins que l’on puisse dire. Le parti national-conservateur doit toutefois une partie de son succès à une opposition plutôt fébrile, et des médias qui reprennent à leur compte les éléments de langage qui lui sont propres. C’est ainsi qu’à travers une communication bien rôdée, l’UDC réussit non seulement à imposer ses thématiques et à peser sur l’agenda politique, mais également à transformer le vocabulaire sur un sujet précis.

Il en va ainsi de son initiative visant à instaurer la primauté du droit national sur le droit international. L’UDC a choisi, à dessein, de ressortir une vieille formulation qui avait disparu du langage courant depuis fort longtemps: «juges étrangers». Ainsi, la souveraineté de la Suisse serait mise en danger par des juges qui n’ont strictement aucun lien avec le pays et qui décident pour lui. Nous ne comptons pas refaire le débat ici, et pour celles et ceux qui s’y intéressent, nous vous recommandons la lecture de l’ouvrage «Démocratie directe contre droit international» de Denis Masmejan.

Il s’agit plutôt de démontrer ici comment des éléments de langage partisans peuvent soudain se retrouver à large échelle dans le débat public, et même être employé par celles et ceux qui en principe n’adhèrent en rien à la ligne de l’UDC…

Première étape: imposer les termes du débat public

Lorsque l’UDC décide de lancer une initiative, la communication est réfléchie en amont, et le choix des mots est primordial. Il ne s’agit pas seulement d’arriver avec une proposition, comme le font bien souvent les autres partis et les groupes d’intérêts qui lancent leurs propres initiatives, pour susciter la discussion. Non, il faut faire une proposition accompagnée d’un corpus linguistique prédéfini, afin de verrouiller les discussions.  

Sur ce point, l’UDC se démarque clairement de ses adversaires politiques. Sa première préoccupation n’est pas de susciter le débat, mais d’en poser les termes, à l’aide d’un langage imagé qui imprime une...

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