Qui n’est pas fidèle à la ligne est mis à la porte

Publié le 16 février 2021
Angela Merkel a annoncé une prolongation du confinement jusqu'au 7 mars. Seuls les coiffeurs seront autorisés à ouvrir le 1er mars. Gare aux critiques! Markus Söder, ministre-président de Bavière, vient de mettre à la porte le professeur Christoph Lütge du Conseil d'éthique bavarois. Il aurait porté atteinte à la réputation du corps. La NZZ a publié une longue interview de lui.

Ce professeur enseigne l’éthique de l’économie à l’Université technique de Munich et a été nommé en octobre dernier par le gouvernement bavarois à ce Conseil d’éthique, conçu comme organe indépendant. Une bonne idée, selon ledit professeur, parce que, contrairement aux autres cénacles du genre, il ne traite pas seulement de questions médicales ou bioéthiques. L’accent est mis sur des sujets d’avenir tels que la durabilité, la numérisation ou l’intelligence artificielle. Pour lui, la condition essentielle était de pouvoir travailler sans directives et de manière critique. Un travail dont il espérait beaucoup. Cet espoir était apparemment trompeur.

Critiquer le confinement

Que s’est-il passé? Le professeur Lütge explique qu’il a critiqué à plusieurs reprises le confinement. Toujours en son nom propre. Pour lui, cette mesure n’est pas proportionnée, notamment si l’on tient compte de et l’âge moyen des morts du Corona. Sans nier la dangerosité du virus, il souligne que les fermetures générales sur plusieurs mois sont disproportionnées par rapport au danger réel, menaçant surtout pour les personnes âgées. La condition de sa participation à cet organe était la garantie de la liberté d’expression publique. Il précise qu’un conseil d’éthique doit se réunir en public, et non dans l’arrière-salle. En ajoutant une phrase-clé: «L’éthique doit être une voix critique, sinon ce n’est pas de l’éthique.»

Lütte insiste sur la nécessité d’une critique raisonnée et fondée sur des preuves. Or de nombreux avis récents, émanant même de l’OMS, montrent que le confinement fait plus de mal que de bien. Les dommages collatéraux sont trop importants. Chaque jour, environ 2700 personnes meurent en Allemagne, dont beaucoup d’un cancer, de maladies cardiovasculaires ou d’autres maladies. Or le nombre d’examens préventifs a massivement diminué lors de cette crise. Les dégâts sociaux et psychologiques sont aussi de plus en plus évidents, surtout dans la jeune génération. Lütge se montre très inquiet à ce sujet. N’étant pas virologue, il dit que la pandémie exige une approche interdisciplinaire. Les éthiciens, les juristes, les spécialistes des sciences sociales, les psychologues et les économistes doivent également être entendus.

«Parfois, il faut mettre sa réputation en jeu»

Libéré de son mandat au sein du Conseil d’éthique, le professeur munichois poursuit son travail critique: «Parfois, il faut mettre sa réputation en jeu. Nous, professeurs, risquons souvent trop peu. Nous sommes là pour exprimer des points de vue inconfortables sans craindre immédiatement notre renvoi. Au cours des décennies précédentes, la volonté de prendre des risques était plus grande qu’aujourd’hui. Les professeurs ne doivent pas avoir peur de se salir les mains en descendant dans l’arène publique.»


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