Publié le 20 janvier 2021
Au milieu du chemin de notre vie/ je me retrouvais dans une forêt obscure/ parce que la voie droite était perdue.» Qui ne connaît les trois premiers vers de cette œuvre unique, sans exemple, qu’est «La Divina Commedia»? Le poème de Dante Alighieri, dont cette année marque le 700e anniversaire de la mort et qui devrait donner lieu à quantité de manifestations et pas seulement en Italie. Pour autant que la Covid, à l’image des trois bêtes sauvages qui barrent le chemin du poète au début de son voyage, nous laisse en repos, nous permette enfin de quitter la selva oscura.

Hormis peut-être Shakespeare en Angleterre et Pouchkine en Russie, rares sont les poètes qui bénéficient d’une aura égale à celle de Dante en Italie. Sait-on par exemple que Florence, ville où il naquit en 1265, réclame depuis des années aux autorités de Ravenne, cité où il mourut en exil, le retour de ses restes? Ou qu’à une époque récente deux Pontifes, quand bien même Dante dans La Divine Comédie ne ménage guère la papauté, lui ont consacré chacun une Lettre apostolique? Benoit XV, en 1921 (In praeclara summorum) à l’occasion du 600e anniversaire de sa mort; Paul VI, en 1965 (Altissimi cantus), pour les 700 ans de sa naissance. Et plus près de nous, en octobre dernier, le pape François, ne déclarait-il pas que l'expérience de Dante peut nous aider à «traverser les nombreuses forêts obscures de notre terre?» 
Autant de témoignages de la part des Pontifes romains à l’égard de l’un des représentants majeurs de la culture occidentale qui ne vont certes pas sans intentions, sinon arrière-pensées, apologétiques. Il n’empêche. Voilà qui en dit long surla place éminente qu’occupe Dante dans l’histoire de la pensée et qui lui fut reconnue très tôt. De son vivant déjà, sa légende prend corps: n’est-il pas celui qui a visité les Enfers? Et son œuvre connaît aussitôt une large diffusion par le biais des multiples copies manuscrites de son poème.
Le Quattrocento, bien que fort éloigné en apparence du monde de Dante, lui voue un véritable culte. Marsile Ficin (1433-1499), grande figure de l’humanisme renaissant qui dirigea l’Académie néoplatonicienne de Florence, pour qui la poésie est la reine des arts, tient Dante pour le poète universel; Raphaël et Michel-Ange voient en lui un maître. Tout comme avant eux Brunelleschi, l’architecte de Santa Maria Del Fiore. Le Dôme de Florence ...

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