Une fuite accidentelle du coronavirus depuis un labo de Wuhan n’est pas à exclure

Publié le 8 avril 2020

L’hypothèse d’une fuite accidentelle de ce coronavirus depuis un laboratoire chinois est de plus en plus crédible. Il sera néanmoins difficile d’en apporter la preuve formelle. – © DR

Cette histoire de pangolin et de chauve-souris comme origines de la pandémie de coronavirus, selon certaines sources, ne tiendrait pas debout. Il faudrait plutôt se tourner vers le Centre de contrôle et de prévention des maladies, un laboratoire P2, à Wuhan. Explications dans cet article de Maxime Chaix, paru sur le site Deep-News.media - site d’information indépendant et fiable - le 3 avril 2020.

Maxime Chaix*


Depuis plusieurs semaines, nos sources bien informées se posent de sérieuses questions sur l’origine de la pandémie de SARS-CoV-2. Si elles excluent qu’il s’agisse d’une attaque bactériologique, elles soupçonnent la fuite accidentelle d’un coronavirus naturel étudié à des fins médicales dans l’un des laboratoires de Wuhan – que nous allons identifier dans cet article. Nous avons donc reproduit leurs témoignages, sachant que le Washington Post vient de confirmer la pertinence de cette hypothèse avec des arguments qui nous paraissent solides. Alors que nous avions déjà souligné les failles de sécurité des laboratoires de virologie aux États-Unis, la présente enquête sur le système chinois n’est pas non plus rassurante. De quoi nous faire réfléchir sur la nécessité de sécuriser davantage de tels labos, y compris en France.

Début mars, l’un de nos confères est formel : « Le monde du renseignement se pose beaucoup de questions. » Il me confirme ainsi les échos que je recevais des milieux de la sécurité nationale en Occident. Parmi mes sources, un membre d’un service secret européen ayant requis l’anonymat observe que « cette histoire de pangolin et de chauve-souris, ça ne tient pas debout. Rien ne l’étaye. On table plutôt sur la fuite accidentelle de ce virus depuis un laboratoire chinois, potentiellement le Centre de contrôle et de prévention des maladies basé à Wuhan. Il s’agit d’un labo P2, donc beaucoup moins sécurisé que le P4 inauguré par le gouvernement français dans cette ville en 2017, à l’Institut de virologie. Je précise que ce coronavirus n’est pas, selon nous, une arme bactériologique ou un virus créé en laboratoire ».

Récemment, David Ignatius confirma la pertinence de l’hypothèse d’une fuite involontaire, ce journaliste étant l’un des mieux renseignés au Washington Post. Soulignant que ce virus pourrait être issu du marché de fruits de mer de Huanan, dans la ville de Wuhan, il nous rappelle qu’il existe « une théorie concurrente – celle de la libération accidentelle du coronavirus de chauve-souris depuis un laboratoire –, ce qui intrigue les scientifiques depuis des semaines. À moins de 300 mètres [de ce] marché des fruits de mer de [Huanan] se trouve des labos du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies. Des chercheurs de cet établissement, mais aussi de l’Institut de virologie de Wuhan qui n’est pas loin, ont publié des articles sur la collecte de coronavirus de chauves-souris en Chine, et ce à des fins de recherches pour prévenir l’apparition de futures maladies. L’un de ces échantillons a-t-il fuité ? Des déchets dangereux ont-ils été déposés dans un endroit où ce virus aurait pu se propager ? »

Précisons alors que l’Institut de virologie de Wuhan possède un laboratoire P4, qui fut co-développé par la France et inauguré par le Premier Ministre Bernard Cazeneuve en février 2017. Pour autant, plusieurs de nos sources confirment que les coronavirus ne sont pas étudiés dans ce labo, ce qu’a récemment expliqué le journaliste Antoine Izambard : « Le P4 a été (…) accrédité par les autorités chinoises pour effectuer des recherches sur les virus Ebola, la fièvre hémorragique de Congo-Crimée (CCHF) et le Nipah (NiV), mais toujours pas pour le SRAS ou les coronavirus. » Or, nous allons voir qu’en Chine, les coronavirus sont étudiés dans des laboratoires nettement moins sécurisés, d’autant plus que l’imprudence de certains scientifiques locaux est documentée. 

Dans son article, David Ignatius interroge Richard Ebright, un expert en biosécurité et microbiologiste à l’Université Rutgers, dans le New Jersey. Selon lui, « “la première infection humaine aurait pu être un accident naturel”, le virus passant de la chauve-souris à l’homme, peut-être par le biais d’un autre animal. Or, Ebright nous avertit qu’“elle aurait également pu résulter d’un incident de laboratoire tel que, par exemple, l’infection accidentelle d’un scientifique”. Il nous signale que les coronavirus de chauve-souris ont été étudiés à Wuhan au niveau 2 de biosécurité, “qui n’offre qu’une protection minimale” par rapport au niveau 4 ». D’après l’une de nos sources bien informées, « d’aucuns imaginent un lien entre le laboratoire P4 de Wuhan et l’émergence de cette pandémie. Or, cet établissement n’est pas accrédité pour des recherches sur les coronavirus et, de toute manière, ses règles de sécurité draconiennes rendent toute fuite accidentelle de virus hautement improbable. Ce n’est pas le cas des labos P2 à Wuhan, malheureusement. »  

En effet, toujours selon David Ignatius, « Richard Ebright nous a décrit une vidéo de décembre issue du Centre de contrôle et de prévention des maladies de Wuhan. Elle montre des membres du personnel “collectant des coronavirus de chauve-souris avec [des équipements de protection individuelle] inadéquats, et des pratiques opérationnelles dangereuses”. De mon côté, j’ai passé en revue deux articles chinois de 2017 et 2019, qui décrivaient l’“héroïsme” d’un chercheur du Centre de contrôle et de prévention des maladies de Wuhan, Tian Junhua. En effet, tout en capturant des chauves-souris dans une grotte, “il oublia de prendre des mesures de protection”, de sorte que “l’urine de chauve-souris dégoulinait du haut de sa tête comme des gouttes de pluie.” » Interrogées sur ces éléments, plusieurs de nos sources nous confirment être informées de tels comportements, ce qui renforce leurs suspicions.

Dans Bulletin of the Atomic Scientists, le journaliste Matt Field a résumé la situation actuelle dans le titre de son dernier article : « Les experts savent que le nouveau coronavirus n’est pas une arme biologique [, mais ils] ne s’entendent pas sur le fait qu’il aurait pu fuir d’un laboratoire de recherches ». Il rappelle alors que « Yanzhong Huang, un important chercheur en santé mondiale au sein du Council on Foreign Relations, a récemment écrit un article pour Foreign Affairs qui rejette les théories du complot sur les origines de la pandémie, mais qui mentionne également des preuves circonstancielles soutenant la possibilité d’une fuite de laboratoire. Ces preuves comprennent une étude “menée par l’Université de technologie de Chine du Sud [qui] a conclu que le coronavirus était probablement originaire du Centre de contrôle et de prévention des maladies de Wuhan”, situé à seulement 280 mètres du marché de fruits de mer de Huanan souvent cité comme étant le foyer d’origine. “Cet article fut ensuite retiré de ResearchGate, un site commercial de réseautage social qui permet aux scientifiques et aux chercheurs de partager des documents”, a écrit Huang. “Jusqu’à présent, aucun scientifique n’a confirmé ou réfuté les conclusions de cette étude.” » 

Au contraire, comme nous l’avons démontré dans cet article, l’hypothèse d’une fuite accidentelle de ce coronavirus depuis un laboratoire chinois est de plus en plus crédible. Or, il s’avère que nos sources confirment la possibilité que cet incident ait eu lieu dans le Centre de contrôle et de prévention des maladies de Wuhan. Il sera néanmoins difficile d’en trouver la preuve formelle, vu l’opacité notoire des autorités chinoises. Pourtant, comme le rappelle David Ignatius dans la conclusion de son article, « les accidents sont inévitables, qu’ils proviennent des humains ou des laboratoires. Résoudre le mystère de la naissance du SARS-CoV-2 ne revient pas à chercher un bouc-émissaire, mais à encourager les États-Unis et la Chine à coopérer dans cette crise, et à en empêcher de nouvelles ».


* Maxime Chaix est journaliste d’investigation. Il est connu pour ses enquêtes et ses analyses, notamment à propos de la Syrie.


Note: Le Daily Mail britannique prend aussi en considération cette hypothèse. 

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