«On se fait peur parce qu’on le veut bien»

Publié le 10 janvier 2019

La pièce nous glisse à l’oreille que bon nombre de peurs sont également des histoires partiellement inventées. (de gauche à droite: Daniel Burdet et Camille Rahm). – © Michael Webber & Marie Künzler

Pour démarrer la saison 2019, le Théâtre de la Ruelle proposait hier après-midi, «La tente», de Claude Ponti – grand illustrateur et génie de la littérature enfantine. Alors oui, c'est une pièce pour les mômes, courte et sans référence politico-économico-underground. Et pourtant... les questions simples n'ont-elles pas raison d'être? D'ailleurs, quel gamin n'a jamais eu peur dans le noir? Et surtout, quel adulte pourrait oser faire croire qu'il n'a jamais la trouille?

Silence de cathédrale. Quelques chuchotis. Les dernières personnes entrent et s’assoient. En ce mercredi après-midi enneigé, le petit Théâtre de la Ruelle à La Chaux sur Cossonay est rempli d’enfants et de leurs parents. Les plus jeunes attendent sans bruit, presque inquiets de ce qu’ils vont voir. Pour certains, c’est probablement leur première au théâtre. Les lumières s’éteignent et c’est au tour des parents de se tracasser: «Ça va? Tu es bien, là devant?», entend-on chuchoter. La pièce peut alors commencer.

Deux enfants ont décidé de passer la nuit sous une tente, dans leur jardin. Ils ne dorment pas vraiment, il fait pourtant déjà nuit. Ils entendent des bruits dehors. Certainement des animaux. Ou des portes sauvages. Car oui, l’oncle Anatole en a déjà vu, lui, des fenêtres sauvages. Alors des portes sans murs ni barrières, ça peut bien exister. Ils s’inventent des histoires et finissent par sortir. Ils veulent «apprendre le courage» se disent-il. Dehors, ils se courent après et se battent pour savoir qui est le plus effrayé: difficile de trancher.

L’intrigue pourrait se résumer à cela: deux enfants dans une tente qui jouent, se chamaillent et se font peur. Et pourtant, c’est évidemment un peu plus que cela. D’abord, parce que les enfants dans la salle sont eux-mêmes, malgré eux, constitutifs de la pièce: par leur rire, leurs hoquets de surprise et leurs remarques, ils donnent une dimension supérieure aux émotions transmises sur scène et replacent le spectateur au centre du spectacle. Et ensuite, parce que la pièce nous glisse à l’oreille que bon nombre de peurs sont également des histoires partiellement inventées que l’on se raconte: parce qu’«on a peur en dedans et qu’on ne sait rien du dehors», comme le raconte le petit livret.

«D’ailleurs, on a peur parce qu’on le veut bien, m’explique Daniel Burdet, l’un des deux jeunes acteurs après la pièce. Dans l’histoire, c’est nous qui avons décidé de dormir dans le jardin. Et finalement, on est content quand il y a du bruit et que ça nous fait sursauter.» Acteurs de leurs peurs donc, ces deux gamins? Certainement, et complices aussi, pour se rassurer comme ils le peuvent. «Ce qu’il faut retenir, je crois, résume la jeune actrice, Camille Rahm, c’est que même si on a peur, on a les moyens de la transformer en rire.» Une morale qui parlera aux petits et qui inspirera aussi certainement leurs parents.


La tente, mise en scène par Fanny Künzler et Mathilde Souther, avec Camille Rahm et Daniel Burdet (acteurs amateurs de l’Atelier du Comsi), sera jouée les 12 et 13 janvier 2019 au Théâtre de la Ruelle à La Chaux ; le 27 janvier 2019 au Caveau du Coeur d’Or à Chexbres ; les 25 et 26 mai 2019 au Festival du Fond d’la Bleue en Gruyère

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