Il y a 125 ans, les conseillers fédéraux bi-nationaux ne gênaient personne

Publié le 7 septembre 2017

Le Bâlois Emil Frey et le Bernois Ulrich Ochsensbein, tous deux conseillers fédéraux et bi-nationaux, ont servi outre-Atlantique
pour l’Union lors de la guerre de Sécession et pour la France de Napoléon III. – @ DR

L’UDC claironne qu’un double national ne doit pas être conseiller fédéral. Mais la question était moins sensible au XIXe siècle. Personne n’a reproché au Bâlois Emil Frey, conseiller fédéral radical de 1890 à 1895, d’avoir deux nationalités, suisse et américaine. Avant d’être élu au Conseil fédéral, il avait même servi comme officier dans les troupes nordistes lors de la guerre de Sécession. Quant à Ulrich Ochsenbein, l’un des pères fondateurs de la Suisse moderne, membre du premier gouvernement fédéral en 1848, il fut, après son éviction du Conseil fédéral, général dans les troupes de Napoléon III, lequel avait un passeport suisse.

Conseiller national puis conseiller fédéral, Emil Frey (1838-1922) n’a jamais été gêné dans sa carrière politique par le fait d’être en même temps ressortissant des Etats-Unis. Au contraire: avant de l’élire au Conseil fédéral, la Suisse avait profité de la connaissance qu’il avait de ce pays et des relations qu’il y avait nouées pour en faire un ambassadeur à Washington (1882-1888).

La vie d’Emil Frey n’a pourtant pas commencé sous les meilleurs auspices. Né certes dans une bonne famille, il a une scolarité difficile. Son père est une personnalité bien connue à Bâle-Campagne, promoteur du parti dit «du mouvement», président du Tribunal cantonal et régulièrement député à la Diète fédérale. Mais Emil ne suit pas ses traces. Du moins pas tout de suite.

Caractère rebelle

D’un caractère rebelle, il quitte le gymnase sans diplôme et n’achève qu’à grand-peine une formation d’agronome à Iena, en Allemagne. A 22 ans, en 1860, il émigre aux Etats-Unis et trouve à s’employer comme valet de ferme dans l’Illinois. Quand la guerre de Sécession éclate, il choisit de s’engager dans les troupes nordistes. On le retrouve capitaine au sein d’un régiment commandé par un autre émigré, l’Allemand Friedrich Hecker, l’un des meneurs de la révolution allemande de 1848. Les deux hommes sont animés du même idéal anti-esclavagiste.

Emil Frey est fait prisonnier lors de l’épouvantable bataille de Gettysburg (1863). Il passe un an et demi dans les geôles sudistes. A la fin de la guerre, il revient dans sa ville natale d’Arlesheim avec...

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