Dandys Dadaïstes

suivi de: «Tu connais Warhaus?»

suivi de: «Vidéo: entendu au Montreux Jazz»

Publié le 13 juillet 2017

@ 2017 FFJM – Daniel Balmat

Quarante ans. Quarante ans de carrière et seulement quatre concerts au compteur. Cela finit d’asseoir le mystère d’un projet légendaire unique et iconoclaste, mondialement renommé dont les tubes (Oh Yeah, Bostish, The Race) sont imprimés dans les cortex, de ceux qui croyaient encore ne pas connaître Yello.

L’événement méritait bien la présence de Mathieu Jaton, venu présenter les pionniers ce mercredi 12 juillet 2017 au Jazz Lab. Le boss ne cache pas sa fierté ni le plaisir de réaliser un rêve, jadis porté par Claude Nobs. Exprimant l’émotion et la joie ressentie lors de la confirmation de booking du duo dandy dada, venu entre autre célébrer son dernier album Toy.

Venu en nombre, le public du Lab est aussi curieux qu’impatient, fier et heureux de ce privilège de pouvoir dire: «J’y étais».

L’énergie positive de l’attente est aussi profonde que les basses et percussions qui bientôt feront vibrer nos tripes lors du show de plus d’une heure et demie.

Confortable derrière ses machines, Boris Blank démarre le concert, et les éblouissantes projections vidéos arty métronomiquement calées définissent à merveille l’expression française: «voir» un concert.

Maître Dada, dandy milliardaire épicurien, voix profonde, Dieter Meier arrive sur scène, dévoilant la composition du groupe. Guitare, percussions, batterie, sections de cuivres et choristes achèvent les derniers préjugés des éventuels «éléctrosceptiques». Le son est énorme, voilà pour l’expression «écouter» un concert. Performer «novice», le septuagénaire est loquace, élégant et statique. Il fait équipe avec son «lui-même» qui danse sur les projections vidéos en arrière scène.

«Sans Boris, je ne pourrai pas chanter»

Dieter ne boude pas son plaisir: il narre la genèse des morceaux, rend hommage à son fidèle comparse («sans Boris, je ne pourrai pas chanter») enchaîne les tubes et les morceaux plus récents (qui, en totale-hyper-subjectivité, peinent au décollage). L’artiste businessman charme tout le monde et nous manque lorsqu’il laisse la place à deux magnifiques chanteuses qui propulsent la foule dans un ailleurs qui n’est pas Yello.

Extrêmement généreux, maîtrisé, le spectacle tord le cou à ceux qui soupçonnaient Yello de ne pas être taillé pour la scène. S’il faut deux fois vingt ans avant d’oser ou vouloir se présenter à son public, ne devrait-on pas voir ici la forme de respect la plus extrême pour lui? Le signe d’une extraordinaire timidité ou alors d’une stratégie de communication diablement efficace? Qu’importe, cela valait le coup d’attendre. Et quand bien même Yello devait se reproduire sur scène, ce concert-là, au Montreux Jazz, restera éternel.

Car si Boris et Dieter ne sont pas des artistes, qui pourrait oser prétendre à ce statut? Claude Nobs? Assurément. Ce concert était d’ailleurs pour lui.


Warhaus, Lisztomania, MJF, 12 juillet 2017

«Tu connais Warhaus?»

Marteen Devoldere, alias Warhaus. @ 2107 FFJM – Anne-Laure Lechat

Bien sûr, les admirateurs de Balthazar, quelques fans, et les très attentifs lecteurs du programme de Montreux savent qui est l’artiste qui s’apprête à fouler les planches du Lisztomania. Les autres, venus notamment pour Alice Roosevelt, s’interrogent encore. Prêts à découvrir ce nouveau projet, mais pas à prendre une claque magistrale.

Un coup au cœur lors d’un concert, c’est rare. Trop beau pour être raconté. Comment vous assurer que les muses de la poésie et de la créativité sont venues en personne saluer le ténébreux belge blond, Marteen Devoldere, alias Warhaus?

Trop frustrant surtout pour les absents d’apprendre que les compositions de ce très bel et premier effort solo We Fucked a Flame into Being (titre puisé dans L’Amant de Lady Chatterley) écrites et enregistrées sur une péniche, prennent toute leur puissance en live.

Sadique évidemment de décrire cette incroyable présence scénique, ces chœurs (par l’hypnotique Sylvie Kresuch), ces guitares à la dissonance digne d’un Marc Ribot, cette batterie semi-acoustique, ce melodica, cette trompette loopée que l’artiste feint de «ne pas savoir jouer».

Non, je ne vous parlerai pas de son incroyable basse Fender à deux jacks, de ses cordes hybrides qui lui donnent une merveilleuse signature instrumentale et stylistique.

Les pairs pères ne sont jamais loin

Inénarrable cette énergie qui déboule sur ce Beaches instrumental à la Tom Waits aux loops de trompette, à ces basses et guitare étrangement groovy. Pas de mots, non plus, pour le final en grâce sur un «very quiet» Bruxelles, au son de cette splendide Danelectro jouée, s’il vous plait, au tournevis et à la Whammy.

Certes, les pairs pères ne sont jamais loin. Leonard Cohen ou Gainsbourg pour la scansion et les atmosphères mélancoliques (I’m Not Him), Lou Reed dans le timbre de voix (Memory) ou encore Nick Cave pour la gestuelle et les attitudes scéniques de Marteen face au public (lorsqu’il n’est pas enlacé de sa quatre cordes). Je tairai le fait que Marteen Devoldere fait du Warhaus avec son propre son, ses propres textes, cohérents et authentiques, et que chaque chanson célèbre l’imperfection des rencontres, rend hommage à la décadence et à l’intensité que la vie peut offrir.

Non, ce que je vous dirai, c’est de courir acheter l’album, guetter l’évolution du projet et de vous ruez sur le prochain concert du gentleman flamand. Au Jazz Lab l’année prochaine?


Bonus

Pour plonger dans la création de l’album, le documentaire I’m not him, de Wouter Bouvijn


Set List

Control
The Good Lie
Beaches
Against The Rich
Well Well
Memor
Machinery
Here I Stand
I’m Not Here
Mad World
Bruxelles


Entendu au Montreux Jazz, le micro-Montreux de Diana-Alice Ramsauer

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Politique

Bonnes vacances à Malmö!

Les choix stratégiques des Chemins de fer fédéraux interrogent, entre une coûteuse liaison Zurich–Malmö, un désintérêt persistant pour la Suisse romande et des liaisons avec la France au point mort. Sans parler de la commande de nouvelles rames à l’étranger plutôt qu’en Suisse!

Jacques Pilet
Politique

Honte aux haineux

Sept enfants de Gaza grièvement blessés sont soignés en Suisse. Mais leur arrivée a déclenché une tempête politique: plusieurs cantons alémaniques ont refusé de les accueillir, cédant à la peur et à des préjugés indignes d’un pays qui se veut humanitaire.

Jacques Pilet
Culture

Une claque aux Romands… et au journalisme international

Au moment où le Conseil fédéral tente de dissuader les cantons alémaniques d’abandonner l’apprentissage du français au primaire, ces Sages ignorants lancent un signal contraire. Il est prévu, dès 2027, de couper la modeste contribution fédérale de 4 millions à la chaîne internationale TV5Monde qui diffuse des programmes francophones, suisses (...)

Jacques Pilet
Culture

A Iquitos avec Claudia Cardinale

On peut l’admirer dans «Il était une fois dans l’Ouest». On peut la trouver sublime dans le «Guépard». Mais pour moi Claudia Cardinale, décédée le 23 septembre, restera toujours attachée à la ville péruvienne où j’ai assisté, par hasard et assis près d’elle, à la présentation du film «Fitzcarraldo».

Guy Mettan
Economie

Quand les PTT ont privatisé leurs services les plus rentables

En 1998, la Confédération séparait en deux les activités des Postes, téléphones et télégraphes. La télécommunication, qui s’annonçait lucrative, était transférée à une société anonyme, Swisscom SA, tandis que le courrier physique, peu à peu délaissé, restait aux mains de l’Etat via La Poste. Il est utile de le savoir (...)

Patrick Morier-Genoud
Sciences & Technologies

Les délires d’Apertus

Cocorico! On aimerait se joindre aux clameurs admiratives qui ont accueilli le système d’intelligence artificielle des hautes écoles fédérales, à la barbe des géants américains et chinois. Mais voilà, ce site ouvert au public il y a peu est catastrophique. Chacun peut le tester. Vous vous amuserez beaucoup. Ou alors (...)

Jacques Pilet
Philosophie

Les biais de pensée de la police, et les nôtres

Pourquoi, à Lausanne, un policier a-t-il aimablement serré la main du chauffard qui avait foncé délibérément dans une manifestation propalestinienne? Au-delà des polémiques politiques, il s’agit sans doute avant tout d’un de ces biais cognitifs comme nous en avons tous.

Patrick Morier-Genoud
Economie

Et si on parlait du code de conduite de Nestlé?

Une «relation amoureuse non déclarée avec une subordonnée» vient de coûter son poste au directeur de Nestlé. La multinationale argue de son code de conduite professionnelle. La «faute» semble pourtant bien insignifiante par rapport aux controverses qui ont écorné l’image de marque de la société au fil des ans.

Patrick Morier-Genoud
Sciences & Technologies

Un tunnel bizarroïde à 134 millions

Dès le mois prochain, un tunnel au bout du Léman permettra de contourner le hameau des Evouettes mais pas le village du Bouveret, pourtant bien plus peuplé. Un choix qui interroge.

Jacques Pilet
Santé

Ma caisse-maladie veut-elle la peau de mon pharmacien?

«Recevez vos médicaments sur ordonnance par la poste», me propose-t-on. Et mon pharmacien, que va-t-il devenir? S’il disparaît, les services qu’ils proposent disparaîtront avec lui. Mon seul avantage dans tout ça? Une carte cadeau Migros de trente francs et la possibilité de collecter des points cumulus.

Patrick Morier-Genoud
Politique

Cachez ces mendiants que je ne saurais voir!

Après une phase que l’on dira «pédagogique», la Ville de Lausanne fait entrer en vigueur la nouvelle loi cantonale sur la mendicité. Celle-ci ne peut désormais avoir lieu que là où elle ne risque pas de déranger la bonne conscience des «braves gens».

Patrick Morier-Genoud
Politique

La Suisse ne dit pas non aux armes nucléaires

Hiroshima, qui commémorait le 6 août les 80 ans de la bombe atomique, appelle le monde à abandonner les armes nucléaires. Mais les Etats sont de moins en moins enclins à y renoncer.

Jacques Pilet
Culture

La bouderie des auditeurs de la SSR

Les derniers chiffres d’audience de la radio publique sont désastreux. La faute à l’abandon de la FM et à l’incapacité de ses dirigeants à remettre en question le choix de leurs programmes.

Jacques Pilet
Politique

Le cancer de l’Ukraine

La loi votée à Kiev pour supprimer les organes de lutte contre la corruption irrite la population et choque l’UE. Mais elle ravit les parlementaires qui l’ont plébiscitée et dont trois sur quatre sont millionnaires. Ce d’autant que leur mandat est échu.

Jacques Pilet
Politique

Gaza: interdire les mots pour mieux nier la réalité

La ministre déléguée française Aurore Berger voudrait bannir le terme de génocide pour ce qui concerne l’action du gouvernement israélien à Gaza. Comme si le monde entier ne voyait pas ce qu’il s’y passe et alors même qu’en Israël des voix dénoncent courageusement l’horreur.

Patrick Morier-Genoud
Culture

Du réconfort qu’apportent les grenouilles

Face à la morosité de l’actualité, les grenouilles empaillées d’Estavayer-le-Lac représentant des scènes du quotidien offrent un peu d’autodérision. Car ne sommes-nous pas tous des petits êtres qui croassent et gobent les mouches?

Jacques Pilet