«Tueries» de cendre et de glace au Stravinsky

Publié le 11 juillet 2017

Climat sombre et beau sur Montreux ce lundi soir. Parfaitement au diapason pour accueillir – neuf ans après avoir fait vibrer le Miles Davis Hall – l’une des hydres bicéphales les plus sexys et ultimes du rock actuel.

C’est à l’Auditorium Stravinsky que The Kills a délivré hier soir quelques unes des chansons de leur cinquième album studio «Ash & Ice», écrit entre New York et Los Angeles. Lorsque le duo (quatuor en live soutenus d’un batteur et d’un clavier) débarque face au public, VV (Alison Mooshart) relève de facto le «putain d’honneur que c’est d’être là», appuyée par son complice Hotel (Jamie Hince).

Dès «Heart of Dog» en ouverture, la formule ne change pas. Guitares bluesy, son crunch ou distordu, boite à rythme, voix suaves et rugueuses. Mais les structures des morceaux récents trahissent une certaine sérénité conférant encore plus de vérité aux deux bêtes de scènes. De suite, la notion même de lieu apparaît dérisoire. Aucune importance quand il s’agit de The Kills, le binôme transporte l’audience hors d’un «lieu», dans leur monde, accroché à chaque souffle qui en résulte.

Incarnation des rêves humides de n’importe quel(le) adolescent(e) – ou plus – admirateur de Rock’n Roll, la longiligne Alison s’est assagie. Ne fume plus (sur scène), sourit, mais rien ne saurait la défaire de son énergie animale transcendée par ses mouvements de corps et de crinière (blonde désormais). Le sommet de sa prestation a lieu sur le blues délicieusement poussiéreux «Pots and Pans», lorsqu’elle frappe avec ardeur et justesse ses deux Floor Tom transparents, révélant sa grande maîtrise vocale et rythmique.

Guitariste trop sous-estimé, Jamie Hince (Hotel) fait excellent usage de son vibrato Bigsby – particulièrement sur la somptueuse ballade Blues «Echo Home» – et le plaisir qu’il prend à œuvrer avec sa partenaire est touchant, indéniablement sincère, communicatif donc.

La chimie si intime du duo parvient miraculeusement à se répandre dans la foule. Evidents l’un à l’autre, ces «Bonnie & Clyde» semblent avoir trouvé un équilibre productif dont on ne peut que tirer des leçons.

Ce lundi soir, The Kills, l’un des rares groupes à faire carrière sans se vendre, nous a non seulement rappelé ce que le Rock’n Roll était autrefois (rugueux, franc, direct), mais surtout, qu’il était loin d’être mort et enterré.


Set list

Heart of Dog
URA Fever
Kissy Kissy
Hard Habit to Break
Black Balloon
Baby Says 
Tape Song
Echo Home
Doing To Death
Pots and Pans
Monkey 23
That Love
Siberian Nights
Whirling Eye
Sour Cherry
No Wow

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