Publié le 6 janvier 2023
Distingué pour son scénario à la Mostra de Venise, «The Banshees of Inisherin» de Martin McDonagh est devenu un des favoris pour les prochains Oscars. Mais cette fable philosophique située sur une île isolée au large de l'Irlande confirme aussi bien les limites que le talent de son sardonique auteur.

Par le passé, l'Irlande nous a donné Oscar Wilde et George Bernard Shaw, James Joyce et Samuel Beckett. Plus récemment et cinématographiquement, Neil Jordan (The Crying Game, Michael Collins) et Jim Sheridan (My Left Foot, In America). Mais à présent, c'est l'heure des frères John Michael et Martin McDonagh et il va apparemment falloir s'en contenter, vu leur succès.
Chacun mène sa carrière distincte et pourtant une communauté d'inspiration les rend aussi indissociables que les frères (anglais) Ridley et Tony Scott avant eux. Ici, c'est le cadet Martin, dramaturge passé au cinéma, qui s'est imposé comme le frère majeur. Apparu en 2008 avec Bons baisers de Bruges (In Bruges), une histoire tragi-comique de tueurs entre eux, il fila aussitôt aux Etats-Unis pour un 7 psychopathes sous influence de Quentin Tarantino avant de passer sous celle des frères Coen avec le très apprécié Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, sélectionné et primé pour son scénario au Festival de Venise en 2017. Le voici qui réitère cet exploit avec The Banshees of Inisherin, quatrième opus au titre tout aussi intraduisible qui le voit enfin de retour en Irlande, où son frère a pendant ce temps réalisé L'Irlandais (The Guard) et Calvary.
Tout ceci pour rappeler que ce film ne sort pas de nulle part, qu'il est l'oeuvre d'un homme de 50 ans au faîte de sa carrière, et qu'on aurait tort de le prendre pour un simple divertissement. Il y a de l'ambition dans cette histoire d'une amitié qui tourne au vinaigre, et peut-être même de la sincérité. Derrière son humour noir apparemment absurde se lit en effet aisément un triple désespoir lié à la solitude, à la compagnie non désirée et à la finitude. Le tout emballé dans une forme vraiment souveraine, où la mise en scène et la musique de Carter Burwell ajou...

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